Episode IV : Schneider’s Law
Loi n°4 de la Tweencom (rappel) : à l’identique, pas plus d’un bruit organique (pet, vomi, etc) par épisode tu ne pourras employer.
Loi n°5 de la Tweencom (rappel) : si le shipping à tout prix tu devras favoriser, pas plus d’un seul baiser par saison tu ne pourras utiliser : chastes et purs tes personnages à tout prix devront rester.
Corollaire : la vie et la carrière des stars Disney est intégralement contrôlée par/dépendante du bon vouloir de la maison mère. Le moindre écart de conduite est sanctionné.
Loi n°8 de la Tweencom : chez Nickelodeon, les séries les plus populaires sont créées par Dan Schneider, scénariste replet lui-même ancien enfant acteur de sitcom.
Corollaire # 2 : très protecteur et omniprésent, Schneider fait donc règner une ambiance familiale et décontractée sur le tournage de ses shows, atmosphère qui se ressent dans le produit fini.
Loi n°9 de la Tweencom : contrairement à Disney, la chaîne Nickelodeon ne cherche pas à contrôler les carrières musicales ou la vie privée de ses acteurs.
Corollaire # 1 : contrairement à la concurrence, il n’y a donc pas de scandale public du côté de Nickelodeon, où tous les acteurs semblent plus naturels, et mieux dans leur peau.
Loi n°10 de la Tweencom : dite "règle du sidekick" : bien souvent, le/la lead de la tweencom est affublé(e) d’un(e) sidekick comique, faire valoir au physique moins conventionnel, à l’interprétation plus exagérée, et délibérément laissé en retrait. Et presque aussi souvent, c’est parce que le/la sidekick est bien plus talentueux(se), attachant(e), et tout simplement charismatique que le/la lead.
iCarly (2007- ? )
Un nerd, un grand con, la chouchoute de la prod', Gibby, et une mini-terroriste blonde...
Koicé ?
Trois ados - Carly, sa meilleure amie Sam et le geek Freddie, initialement désespérément amoureux de Carly - font leur web-show chez eux (anfin, de l’appartement du grand frère de Carly) et, au fil des mois, deviennent de plus en plus populaires.
Aveckicé ?
Miranda Cosgrove dans le rôle de Carly, la lead sérieuse et droite dans ses bottes ; Nathan Kress, en Fred, le geek technophile de service ; la géniale Jennette McCurdy, en Sam, la meilleure copine de Carly, une délinquante juvénile violente, paresseuse, agressive, constamment affamée et affreusement attachante ; Jerry Trainor, une sorte de Jim Carrey-light, en Spencer, grand frère sculpteur glandeur de 3X ans ; Noah Munck en Gibbby, le petit gros de service, qui passe de gag récurrent (il se fout toujours à poil) à personnage à part entière au fil des saisons ; son petit frère Ethan en Guppy (le même, mais en version miniature) ; et des personnages secondaires gentiment déjantés, comme la mère envahissante de Freddie qui lui a implanté une puce GPS dans le crâne, ou Mandy, la fangirl hystérique d’iCarly.
Koiçavo ?
Plus tôt sur le blog, j’avais mentionné Sonny with a Chance, et comment l’associé de Dan Schneider avait quitté Nickelodeon pour Disney Channel, en emportant avec lui le concept de la série. Un concept que Dan Schneider, scénariste phare de la chaîne, avait donc dû repenser pour le proposer de nouveau aux exécutifs.
Le résultat : iCarly. Dans la forme, rien de bien innovant, puisque c’est une sitcom de studio assez traditionnelle, avec rires, décors moyennement convaincants (bien qu’assez spacieux, on voit que c’est la série phare de Nick), et jeu globalement un peu théâtral.
C’est en fait dans le fond que le show s’avère une bonne surprise. Comme je l’ai déjà dit plus haut, Nick est clairement plus décontracté que Disney, et, en particulier chez Schneider, il existe une vraie alchimie qui fait que les personnages fonctionnent : on croit aux liens familiaux entre Carly et son grand frère, on croit à l’amitié des deux filles, on croit à la relation de "haine" viscérale entre Sam et Freddie… bref, ça sonne relativement vrai (en tout cas autant que les moments père-fille d’Hannah Montana entre Miley Cyrus et son père IRL).
Pourtant, au premier abord, iCarly peut rebuter, avec ses deux ados qui parlent en criant dans le caméscope de leur web-show, qui font des trucs absurdes, et qui sont surexcitées. Et puis en fait, au bout d’un moment, on s’aperçoit que l’hystérie est voulue, et que l’ensemble est très rarement réaliste : iCarly, c’est de la sitcom cartoonesque et slapstick, qui se permet même certains trucs impensables chez Disney (comme certaines références tordues, et pas mal de dialogues à double sens, y compris parfois assez chargés).
POV de Spencer en train d’essayer d’emballer la mère de Gibby... malheureusement Gibby et sa mère ont un certain air de famille.
De plus, la distribution emporte la donne. Et ce même si un défaut récurrent de Schneider est là aussi présent : son personnage principal (en l’occurrence, Carly/Cosgrove, la protégée du bonhomme) est fade. Pas tout à fait Mary Sue, pas tout fait inexistante, mais souvent fade. Un problème pas totalement dû à l’écriture : si Carly est bien droite dans ses bottes, elle se permet occasionnellement des remarques ironiques cinglantes, et un humour à froid qui fonctionne.
Sauf que Cosgrove a, dans les premières saisons, la posture d’une élève récitant une récitation : raide comme un piquet, les bras le long du corps, elle a parfois l’apparence d’une prisonnière anorexique, qui se force à être exubérante et drôle. Et pour ne rien arranger, elle se fait totalement écraser à l’écran par Jennette McCurdy, tant dans son interprétation que par sa présence physique.
McCurdy, pour les téléphages, c’est une petite demoiselle aux longues boucles blondes, qui faisait déjà forte impression en gamine psychopathe dans des épisodes de L&O, CSI, The Inside, et pleins d’autres procedurals, avant qu’elle ne rejoigne iCarly. Et force est de constater que McCurdy est extrèmement talentueuse, et possède un timing comique aussi pointu que son jeu dramatique.
Kress grandit, McCurdy mange, Cosgrove joue la peur, et Jack Black conclue un duel chanté épique à thématique Warcraftienne, dans l’enceinte de la Comic-con, face à Spencer.
Alors forcément, quand on lui confie le rôle d’une délinquante juvénile au physique angélique, brutale, rebelle, sans sens des convenances, et dont la principale occupation dans iCarly, c’est de manger, et de frapper/insulter/causer des problèmes au geek de service, elle s’en donne à cœur joie, et en ressort comme la véritable star du show.
Non pas que les autres acteurs (Kress, Trainor, etc) soient mauvais, au contraire. Ils sont dans le ton général, gentiment excentriques, et accompagnent efficacement McCurdy dans ses délires (Kress, notamment, développe au fil des ans un bon timing comique, et le ton adéquat pour son perso… même si là aussi, comme dans Wizards of Waverly Place, le geek de service se met à prendre du volume musculaire une fois la puberté passée, ce qui pose problème pour un perso qui déteste le sport).
Reste que finalement, avec son second degré affiché, ses personnages secondaires bien développés, son shipping intelligent (l’obsession de Freddie pour Carly est rapidement transformée en running-gag sans fondement, tandis que l’hostilité Sam/Freddie a clairement un côté shipping voulu, malheureusement trop rapidement survolé en début de saison 4) et son ton bon-enfant-mais-pas-trop-et-paf-on-place-une-vanne-assez-limite-que-seuls-les-parents-comprendront (cf les pages Radar et Ho-Yay de TvTropes), iCarly s’avère être le dessus du panier des séries pour tweens, en matière de production, à égalité avec Wizards niveau popularité, mais tout de même plus consistant et attachant à mes yeux. Du moins en ce qui concerne le format sitcom classique à caméra fixe.
Et puis mine de rien, iCarly a longtemps fait à chaque diffusion entre 5 et 11 millions de spectateurs, selon l’importance de la promotion, la programmation aléatoire, et le degré de shipping de l’épisode. Pas si mal, pour une sitcom au budget dérisoire en comparaison de celui des grands networks…
Perte de Santé mentale :
Comme pour Wizards, ça dépend des épisodes (voire de la saison) que l'on regarde pour se faire un avis. Mais en ce qui me concerne, compte tenu de mon sado-masochisme intellectuel, j’aime bien voir Sam martyriser Freddie, et les persos sont suffisamment attachants pour que je ferme les yeux sur les quelques défauts.
Et si l'on peut parfois regretter certaines décisions de Schneider (la relation Sam/Freddy avait un potentiel de taille, mais le retour au status-quo a été bien trop rapide), Icarly reste le mastodonte de la tv pour tweens, invitant des guests remarquables, comme Michelle Obama, Jack Black ou Jim Parsons.
MAIS (car il y a toujours un mais), à mesure que la série continue, et que les acteurs vieillissent, une évidence se fait jour : menant de front iCarly et Victorious, Schneider s'éparpille. Et les deux séries d'en être autant affaiblies : le ton devient un peu inégal, les épisodes parfois moins inspirés et structurés, certaines ficelles évidentes sont utilisées (principalement au niveau shipping) et la promotion/diffusion de la série se fait encore plus aléatoire et imprévisible qu'avant.
Forcément, donc, les audiences de la saison actuelle (diffusée depuis Mars) en pâtissent sérieusement, et l'annonce d'une nouvelle série, à la rentrée prochaine, écrite pour McCurdy par Schneider (ainsi que la participation de Trainor dans un autre projet), semble signaler la fin imminente du programme. Une fin que l'on espère tout de même à la hauteur du phénomène iCarly...
Victorious (2010- ? )
Un nerd ventriloque, une ravissante idiote, une grande sœur ambitieuse mais guère plus intelligente, l’héroïne, un black cool, la biatch de service, et un bôgoss au regard vide...
Koicé ?
Le quotidien des élèves d’une école californienne à la Fame, pour talents artistiques en tous genres.
Aveckicé ?
Victoria Justice en héroïne maigrichonne, au caractère impatient, et qui fait de son mieux pour vendre un perso souvent trop quelconque et mesuré pour convaincre ; Daniella Monet, sympathique et expansive dans le rôle de sa grande soeur teubée mais prête à tout pour réussir ; Ariana Grande, qui en faire trois tonnes en naïve pas très futée au grand cœur, et sans inhibitions ; trois acteurs masculins assez transparents ; un prof de comédie excentrique ; et Elizabeth Gillies, dans le rôle initialement convenu de la biatch de service, rivale de l’héroïne.
Koiçavo ?
Pas grand-chose. Enfin, je devrais dire, pendant une grande partie de ses deux premières saisons, ça ne vaut pas grand chose plus que Fame. Si on aime la musique, la chanson, la danse, saupoudré d’un peu de comédie et de slapstick made in Schneider, à la limite, pourquoi pas, mais dans l’ensemble, c’est alors souvent assez insipide.
La musique est soupesque et vocodée, ça recycle pas mal de caractérisations d’iCarly, et les acteurs (enfin, les actrices, surtout) ont beau faire de leur mieux pour pimenter la sauce et donner du peps au tout, ça reste très plat et dispensable.
Cela dit, on sent clairement que Nickelodeon lâche la bride à Schneider, et petit à petit, un courant anticonformiste et rebelle apparaît en filigrane : les personnages de Victorious, âgés de 16-18 ans, passent pas mal de leur temps en petite tenue, et il y a régulièrement des moments WTF compte tenu du public ciblé (ou plutôt, je devrais dire "des moments clairement destinés à attirer les garçons de 15 ans devant une série qui ne leur est pas forcément destinée"), du genre "mettons une Ariana Grande gloussante en bikini au milieu d’un cercle de garçons surexcités qui l’éclaboussent tous de leurs gros super soakers en poussant des grognements bestiaux". Forcément, tout de suite, on ne joue plus dans la même catégorie.
À mesure que le show avance, et que les acteurs trouvent leurs marques (Ariana Grande exceptée : toute adorable qu'elle puisse être, son interprétation de Cat est de plus en plus caricaturale et insupportable... ou alors elle est comme ça IRL, et c'est sa personnalité qui transparaît ?), Schneider enchaîne ainsi les scènes à double-sens, chargées en sous-entendus sexuels, et autres gags visuels osés. Pour un spectateur adulte, c'est assez amusant à décortiquer...
Perte de Santé mentale :
Boarf… je ne sais même pas si les pertes de QI sont vraiment importantes, tant c’est souvent quelconque. Du papier peint télévisé, en somme, avec quelques éclairs de génie. Mais la série reste nettement inférieure à iCarly, y compris lors de l'épisode crossover entre les deux séries.
Qui plus est, comme sa consoeur (voire peut-être même plus encore), Victorious souffre vraiment de l'éparpillement de Schneider entre ses deux séries. En alternant épisodes ternes de sitcom basiques, et hommages plus pointus, la série finit par ressembler à une version ado de Community, la rigueur de l'écriture en moins. Ce qui peut être très amusant, comme particulièrement raté. Et de par sa distribution plus nombreuse, le show souffre aussi d'une répartition des rôles très inégale.
Vehicule pour promouvoir la carrière de Victoria Justice, Victorious en oublie parfois ses personnages secondaires, qui disparaissent littéralement de l'écran pendant un ou deux épisodes. Je pense notamment à Daniella Monet, qui n'a parfois droit qu'à une minute ou deux de temps de présence, sur une poignée d'épisodes combinés. D'autant plus dommage que la demoiselle parvient à s'imposer, dans ce maigre délai, comme un talent à suivre, de par son abattage comique mémorable. Et en contrepartie, Cat sombre vraiment dans l'abrutissement le plus total, atteignant rapidement des profondeurs dont n'aurait même pas imaginé Joey de Friends. C'est dire.
Dommage.