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LES TÉLÉPHAGES ANONYMES

Il était une fois Lurdo & Sygbab, deux internautes passionnés de séries tv et de cinéma, et qui cherchaient un endroit où archiver leurs avis (semi) éclairés...

Les bilans de Lurdo - Halloween Oktorrorfest 2023 - Wednesday, saison 1 (2022)

Publié le 24 Septembre 2023 par Lurdo in Aventure, Comédie, Critiques éclair, Les bilans de Lurdo, Télévision, Netflix, USA, Addams, Fantastique, Horreur, Halloween, Oktorrorfest

L'Halloween Oktorrorfest touche aussi le petit écran, avec chaque week-end, durant tout le mois d'octobre, des critiques de séries fantastiques et horrifiques... 

Wednesday, saison 1 (Wednesday, season 1 - 2022) :

Envoyée à l'Académie Nevermore, Wednesday Addams (Jenna Ortega) y découvre ses semblables (vampires, gorgones, télékinétiques, loup-garous, métamorphes, sirènes, etc), connaît ses premiers émois, et développe des visions psychiques qui la mènent sur la piste d'un monstre sanguinaire rôdant dans les parages, d'un meurtre commis par son père, et d'une prophétie ancestrale faisant de Wednesday la responsable de la destruction à venir de l'école...

Alors résumons : depuis des années, Burton essaie de mettre sur pied sa propre version de la Famille Addams, en vain ; Gough et Millar, scénaristes et créateurs de Smallville (aïe), avaient en tête une idée de série surnaturelle adolescente se déroulant dans une école pour êtres magiques, mais ne parvenaient pas à la vendre ; trop content de trouver un successeur à son Sabrina, Netflix a vu là une occasion rêvée de combiner les deux projets de manière un peu forcée : voilà donc Wednesday, une série en huit épisodes de 50 minutes environ, vaguement chapeautée par Tim Burton (il est là sur les quatre premiers épisodes, il est totalement absent ensuite... et ça se sent), et qui pourrait être résumée à "une série CW repompant Monster High, mais avec un habillage Addams très superficiel et pas franchement maîtrisé".

Parce que, si l'on commence par là, il faut être franc : les scénaristes passent totalement à côté de ce qui fait le charme et le succès des personnages de la famille Addams. Et ça commence par des choix créatifs fondamentaux : la famille Addams présentée ici est une sorte de mélange de plusieurs de ses incarnations, un gloubiboulga qui ne fonctionne pas vraiment - ici, la Mercredi Addams des films, sarcastique et impassible ; là, des parents Addams visuellement sortis des dessins de Chas Addams, mais au comportement amoureux provenant de la série tv et des films (ce qui fonctionne nettement moins quand "le Gomez séducteur" ressemble à Luiz Gusman avec de fausses dents) ; ailleurs, un Fester braqueur de banques déjanté (Fred Armisen) à mi-chemin entre diverses incarnations...

Des Addams qui, en fonction des scènes et des dialogues, ont une caractérisation à géométrie variable, un temps écrit comme les personnages des films (avec des one-liners macabres et décalés), et parfois comme de mauvais personnages de série CW : mention spéciale au désastreux épisode 5, qui voit, en flashback, une jeune Morticia hurler de peur en voyant Gomez et un autre élève s'affronter en duel pour ses beaux yeux, tandis que la Morticia du présent (Catherine Zeta-Jones, jamais mise en valeur par la réalisation) raconte, horrifiée, que son agresseur avait la bave aux lèvres, un regard halluciné et une rage bestiale, ce qui l'a traumatisée à ce jour. Le tout enrobé d'une histoire de meurtre que Gomez aurait commis, et caché toutes ses années...

Un hors-sujet complet pour ces personnages qui passent normalement leur temps à parler de cadavres, de crimes et de torture (Anjelica Huston aurait été ravie de voir ce duel à mort, aurait repensé à cet incident avec nostalgie, et aurait probablement même été excitée par tout ça), et un point de non-retour dont la série ne se relève pas (d'autant que les parents Addams, ici, n'ont pas la moindre alchimie, que leur interprétation est raide, et que leurs costumes font un peu mauvais cosplay, ou évoquent le Dark Shadows rigolard de Burton).

Mais de toute façon, c'est l'univers tout entier qui manque de cohérence interne, avec des "normies" (l'équivalent peu inspiré des Moldus de Harry Potter) qui se méfient des étudiants de l'école, qui sont présenté par les dialogues comme des bigots intolérants, mais qui, dans les faits, finissent par accepter sans broncher tous ces êtres monstrueux à pouvoirs et tout ce qui les entoure, qui viennent quotidiennement en ville, dans les commerces locaux, etc, et se font à peine ennuyer par les bullies locaux...

Même Mercredi n'est pas exempte de ces incohérences : une Mercredi stoïque et macabre, comme dans les films, mais pour laquelle l'écriture force le trait, multipliant les one-liners, la rendant souvent antipathique, égocentrique, arrogante, agressive, manipulatrice et hostile.

Une Mercredi qui ne connaît pas les réseaux sociaux, la technologie, les téléphones portables, mais qui, à d'autres moments, utilise un jargon et des références très modernes et connectées. Les scénaristes font aussi de Mercredi une apprentie-romancière de romans policiers (spoiler : son enquête et ses intuitions sont toutes à côté de la plaque pendant la saison), qui narre la série en voix-off comme un Dexter du pauvre, et qui, au fil de ces huit épisodes apprend l'importance de l'amitié et de la communauté, de la collaboration,  des différences et... des sentiments. Mouais.

Mais revenons à la série en elle-même : un générique visuellement joli, mais un thème musical insipide de Danny Elfman ; une direction artistique intéressante... jusqu'à ce que Burton délaisse la réalisation, et soudain, tout ressemble visuellement à un mauvais épisode de Desperate Housewives ; des choix musicaux discutables (reprise de Metallica, reprise de Paint It Black) qui paraissent sortir de nulle part ; un mystère mollasson et pas très probant (la série multiple les fausses pistes, mais au final, le coupable est bien le seul nom connu du cast qui ne faisait que de la figuration pendant toute la saison) ; un grand final en mode surnaturel qui, malheureusement, évoque trop les Boogedy de Disney pour être pris au sérieux ; un côté romance adolescente CW médiocre et cliché, qui ne fonctionne pas vraiment ; des créatures numériques discutables, très caricaturales dans leur design ; des sous-intrigues sans intérêt (la sirène et sa mère dans une secte)...

Bref, la série ne convainc pas. Elle se regarde assez facilement, certes, notamment parce que Jenna Ortega tient bien le personnage, qu'Emma Myers est attachante en colocataire garoute de Mercredi et que l'univers Addams reste attachant (Fred Armisen s'en sort très bien en Fester, ça m'a surpris), mais jamais le programme ne parvient à faire oublier cette première impression d'un programme lorgnant sur les séries CW, d'un sous-Veronica Mars macabre où VM serait incompétence et cassante, d'un sous-Monster High maquillé en série Addams... 

Wednesday passe à côté de son sujet, semble fréquemment mécomprendre l'univers Addams, et frustre plus souvent qu'elle ne convainc (encore une fois, l'épisode 5 est un calvaire). En théorie, le principal intérêt de la Famille Addams, c'est le contraste des membres de cette famille excentrique avec le monde normal ; donc quand on prend Mercredi, qu'on la place dans une école peuplée de personnages encore plus excentriques, et qu'on la plonge dans une histoire de mystère familial et de pouvoirs psychiques, c'est qu'on est vraiment à coté de la plaque.

Mais bon : malgré tous ces défauts évidents et malgré les caprices de Jenna Ortega (qui a déclaré avoir détesté le tournage, avoir trouvé le scénario calamiteux et mal écrit, et avoir réécrit ses dialogues sur le tas, au moment du tournage, sans en avertir les scénaristes ou la production), Wednesday a été un succès pour Netflix, aidée par le potentiel memetique de certaines scènes, par la popularité d'Ortega auprès des jeunes générations, par le cachet Tim Burton qui a encore de l'impact sur ses fans hardcore et par le peu d'exigences qualitatives de la plupart des spectateurs de Netflix (il n'y a qu'à voir les torrents de messages négatifs façon "de toute façon, vous n'êtes que des haters qui n'avez rien compris à ce chef d'œuvre" qui ont accueilli la moindre critique professionnelle négative ou mitigée pour cerner le public visé qui a adhéré en masse au programme). 

Une saison 2 est donc en chantier, et je serai forcément au rendez-vous, parce qu'après tout, c'est plutôt approprié, pour un fan de la Famille Addams, de faire preuve de masochisme et d'aimer souffrir.

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