Quelle était compliquée, la saison 5 de Superstore : le créateur de la série est parti, et les scénaristes, sans direction, ont fait beaucoup de surplace, se rabattant in fine sur une Sandra prenant une place accrue, et sur une nouvelle évolution catapultée de la carrière d'Amy, afin de permettre le départ prévu d'America Ferrera.
De quoi chambouler les cartes, ou presque, puisque l'annulation de la série, annoncée très tôt dans la diffusion de cette saison 6 raccourcie (15 épisodes seulement), a obligé l'équipe créative à bouleverser une nouvelle fois ses plans pour offrir une fin honorable à leur programme... tout cela, en pleine pandémie.
Superstore, saison 6 (2020) :
Confrontés à la pandémie du coronavirus, le personnel de Cloud 9 tente de s'adapter, et de gérer de front cette crise, ainsi que le départ d'Amy pour la Californie...
Une saison finale qui tente ainsi de concilier le départ de l'un de ses personnages principaux, un nombre d'épisodes réduit, l'annulation annoncée du show, et son tournage dans des conditions pandémiques compliquées : difficile d'en attendre grand chose de spectaculaire, surtout sur les talons d'une saison 5 en demi-teinte, qui avait forcé l'évolution professionnelle d'Amy pour aboutir ici, en début de saison, à une rupture sentimentale pas particulièrement convaincante.
Donc, sans surprise, on se retrouve avec une ultime saison dans la droite lignée de la précédente, jamais particulièrement mémorable ou drôle, et qui très souvent préfère botter en touche afin d'assurer à ses personnages la fin heureuse prévue de longue date pour eux.
Le nouveau couple formé par Jonah et l'avocate de Carol (Maria Thayer) ? Évacué hors-champ en 5 épisodes, pour laisser de la place au grand retour d'Amy dans le final. Dina et son vétérinaire ? Idem, pour faire plaisir aux shippers Dina/Garrett. Cheyenne ? Elle se retrouve promue floor supervisor (au terme d'une campagne brutale qui humilie Jonah), et continue de se montrer un peu trop cassante et mean girl pour son propre bien. Glenn ? Il retrouve le poste de gérant après le départ d'Amy.
Et il en va de même à de multiples niveaux du show, un show qui aime systématiquement revenir au status quo pour ne pas trop prendre de risques.
Et puis il faut bien admettre que toute la première partie de la saison, qui s'attarde sur le coronavirus, les gestes barrières, etc, a déjà assez mal vieilli, ou du moins, ne donne pas vraiment envie de se replonger dans cette période désagréable de notre histoire, alors qu'on en sort à peine. D'autant que les scénaristes semblent (naturellement) un peu dépassés par les événements, et peinent à trouver des angles originaux pour approcher ces problèmes...
Fatigués, les scénaristes se rabattent alors sur les classiques : privé d'Amy (qui se sépare de lui de manière totalement forcée et artificielle), Jonah tourne en rond, il végète, il est pitoyable, il devient la cible de tout le monde, dans un déluge de cringe humor assez lassant ; à côté, la série tente un peu de social, mais le cœur n'y est pas, comme dans l'épisode sur le racisme et les réparations, particulièrement laborieux et maladroit ; d'autant que la caractérisation de la bande part dans tous les sens, avec des personnages tour à tour détestables (la réaction de tout le monde suite à la mort du chat de Sara), profondément stupides (l'épisode conspirationniste, l'inondation), ou tout simplement pas forcément cohérents avec eux-mêmes (Dina, dans le final)...
On sent que la fin est proche, et progressivement, au fil de la saison, les scénaristes forcent ainsi certains rebondissements ou certaines évolutions, pour être sûrs d'arriver en temps et en heure aux fins qu'ils ont en tête (et que les fans hardcore du show réclament) : Mateo se retrouve fiancé, la chaîne Cloud 9 ferme subitement ses portes, Amy revient, et voilà, un grand final qui joue ouvertement la carte de l'émotion, et se finit bien pour tout le monde, bon gré mal gré (il y aurait d'ailleurs pas mal de choses à dire sur cette conclusion et sur son montage musical "tout est bien qui finit bien", qui présente pourtant des situations que la série n'avait eu de cesse de dénoncer tout au long de ses 6 saisons : Cloud 9 a fermé, dévoré par un géant de la vpc, mais ce n'est pas grave, les cinq ou six personnages principaux - les seuls qui comptent, visiblement - ont retrouvé du travail dans un entrepôt ! Whouhou !).
Un épisode final plein de fanservice, et qui est à l'image de la série, consumée par le shipping relatif au couple principal et souffrant d'une écriture n'osant pas aller au bout de ses ambitions ou de son excentricité, sacrifiant fréquemment le bon sens et le caractère de ses personnages sur l'autel des rebondissements de fin de saison jamais totalement assumés...
Superstore, un programme qui effleure les sujets de société de la working class sans totalement les traiter, et qui préfère les évacuer au profit des ressorts habituels du genre workplace comedy, et d'un status quo narratif confortable et bien pratique... mais aussi une série qui s'en sort systématiquement grâce au capital sympathie de la plus grande partie de sa distribution.
Dans l'ensemble, un bilan mitigé positif, pour moi : le programme a son charme, clairement, et je comprends totalement que de nombreux spectateurs y aient vu le digne successeur de The Office ou de Parks & Recreation, mais l'écriture ne m'a jamais semblé totalement à la hauteur de cette tâche difficile, sans même parler du problème Jonah/Amy. Et puis tous les bouleversements créatifs de la série n'ont pas aidé cette dernière à trouver une homogénéité suffisante pour me séduire.
En l'état, je rangerai seulement Superstore dans la catégorie des sitcoms sympatoches, sans plus, un bon niveau en dessous de ses aînées : cela en fera probablement bondir certains, mais c'est ce qui arrive lorsque l'on fait reposer une énorme partie de sa série sur les aléas sentimentaux de deux personnages polarisants - si l'on n'accroche pas à ces derniers, c'est une grosse partie de l'intérêt de la série qui se volatilise... surtout durant des saisons de 22 épisodes.
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