Presque quatre ans après la diffusion de la saison 1, critiquée en ces pages et assez médiocre, retour de Carnival Row l'année dernière, toujours sur Prime, cette fois-ci en 10 épisodes d'une heure... et avec un showrunner différent (Erik Oleson, showrunner de Daredevil, saison 3) qui reprend les commandes et tente d'apporter une conclusion au tout, le show ayant été annulé par Amazon en cours de production.
Carnival Row, saison 2 (2023) :
Plus que jamais, la société de Burgue est divisée par le racisme et les conflits : parqués dans le Row, le ghetto qui leur est réservé, les Fae peinent à subsister. Vignette (Cara Delevingne), toujours membre des Black Ravens, lutte contre l'oppresseur, tandis que Philo (Orlando Bloom) est sur le point d'annoncer publiquement l'identité de son père, pour secouer la haute société locale. En fuite, Imogen (Tamzin Merchant) et Agreus (David Gyasi), eux, finissent aux mains de la Nouvelle Aube, un mouvement révolutionnaire qui contrôle un pays rival. Et tout cela est bouleversé par une nouvelle série de meurtres inexplicables...
Pffff.... Ce fut laborieux.
Et pas uniquement parce qu'après avoir passé toute la saison 1 à tout centrer sur Vignette/Philo et sur leur histoire d'amour impossible, les scénaristes décident de tout exploser, en les séparant à la fois physiquement et sentimentalement.
Certes, c'est néanmoins l'un des problèmes de taille de la saison : Vignette est de plus en plus idiote et radicale, elle passe de groupe rebelle à groupe rebelle et n'en fait qu'à sa tête ; Philo ne s'assume pas en tant que demi-Fae, se bat, boit, finit en prison où il se prend pour Jack Sparrow (ou Gollum) et parle à une manifestation physique de son moi intérieur, se bat encore, etc ; et de manière générale, ce qui était le couple moteur de la saison 1 (pour le meilleur et pour le pire) n'est plus, séparé et embarqué dans des sous-intrigues pas totalement probantes.
Mais ce n'est pas le seul problème. La caractérisation bancale des personnages, notamment, et l'indécision des scénaristes sont deux soucis qui se combinent et donnent bon nombre de scènes et d'intrigues au développement cahotant, catapulté, et jamais très crédible.
Tout ce qui entoure la Nouvelle Aube, notamment, une sorte de substitut à la Révolution russe, dirigé par une Joanne Whalley sanguinaire et manipulatrice, dans un pays de l'Est où tout le monde est "égal" (sauf les ennemis de la patrie et les chiens de capitalistes, exécutés sommairement), où tout le monde s'appelle "Camarade" avec un gros accent prononcé, où toutes les possessions sont mises en commun, où le travail en usine est obligatoire pour le bien de la patrie, où l'on suit aveuglément les enseignements d'un petit livre rouge vert, et où se déroule toute la sous-intrigue d'Imogen et Agreus (qui prend un temps considérable).
Pas de suspense : c'est écrit avec des moufles, d'un point de vue très américain/occidental et caricatural, et plus la fin de saison approche, plus l'on lève les yeux au ciel, d'autant que se rajoute une opération de déstabilisation des grandes puissances capitalistes, avec des espions infiltrés qui soutiennent les soulèvements populaires locaux pour y répandre l'idéologie de la Nouvelle Aube et monter les classes sociales les unes contre les autres, blablabla.
Bref, un cadre très approximatif, où Imogen et Agreus passent le plus clair de leur temps à tenter de trouver leur place, la caractérisation d'Imogen lui faisant faire et dire tout et son contraire de manière très agaçante.
Le reste des personnages ne s'en sort pas vraiment mieux : la série passe une saison à mettre en place une relation entre Tourmaline (Karla Crome) l'ex-prostituée désormais en possession de dons magiques et de visions surnaturelles, et Darius (Ariyon Bakare), l'ex-soldat garou... avant de sacrifier ce dernier dans le final pour laisser place au mariage de Tourmaline et de Vignette, un peu sorti de nulle part. Le Chancellier (Arty Froushan) et Lady Longerbane (Caroline Ford) continuent leurs jeux de pouvoirs machiavéliens... avant d'être expulsés de la série à mi-saison.
Et ces changements brutaux de direction se retrouvent aussi au niveau de rebondissements oubliés en cours de route... notamment une certaine sulfateuse qui ne sera jamais utilisée (ce qui mène à une mort assez naze du big bad monster de la saison), ou encore l'épidémie qui frappe le Row mais est oubliée en cours de route.
Pour résumer, la saison 2 de Carnival Row donne une vraie impression de précipitation et d'approximation : le déroule des événements n'est pas toujours cohérent, les personnages réagissent bizarrement (au point de devenir pour la plupart antipathiques - Vignette, notamment, est égocentrée au possible), les changements d'orientation sont peu probants, la fin heureuse arrive comme un cheveu sur la soupe et globalement, ça n'est pas franchement meilleur que la saison 1.
À se demander si certains des acteurs, contractuellement obligés de revenir mais pas forcément motivés suite à l'accueil tiède de la première saison (ou au development hell de la saison 2), n'ont pas voulu imposer leurs idées çà et là, ou si la production n'a pas tenté de condenser plusieurs saisons de contenu en une ultime fournée de dix épisodes (je pense que l'interruption du tournage de la saison à mi-parcours pour cause de COVID explique beaucoup de choses...).
Quoiqu'il en soit, la série ne me manquera pas : certes, elle était ambitieuse, on ne peut le nier, mais elle n'était jamais à la hauteur de ses ambitions.
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