Revival de la sitcom Sauvés par le Gong du début des années 90, la mouture 2020, diffusée en 10 épisodes de 25-30 minutes sur la plateforme de streaming Peacock de NBC, se veut à la fois une suite de la série originale (les acteurs d'alors reprennent tous leurs rôles... ou presque : RIP Screech et pas de Mr Belding), et un (second) reboot, sur une nouvelle classe d'adolescents qui se croisent au lycée de Bayside.
Avec, comme bonus, une approche assez méta du genre, et une écriture qui se moque gentiment des défauts de la série d'origine, tout en exploitant ses figures imposées...
Sauvés par le Gong, saison 1 (Saved by the Bell, season 1 - 2020) :
Lorsque, sur les ordres du Gouverneur Zack Morris (Mark-Paul Gosselaar), tous les lycées défavorisés de Californie perdent leurs subventions, les élèves de ces derniers sont intégrés dans les lycées plus aisés de l'État. Daisy (Haskiri Velazquez), ambitieuse et studieuse, Aisha (Alycia Pascual-Peña), sa meilleure amie athlète, et Devante (Dexter Darden), discret et silencieux, arrivent ainsi à Bayside High, où ils sont confiés à certains des élèves de l'établissement, Mac (Mitchell Hoog), le fils magouilleur du Gouverneur, Lexi (Josie Totah), cheerleader transgenre, et Jamie (Belmont Cameli), sportif idiot fils de Jessie Spano (Elizabeth Berkley), la conseillère de l'établissement. Entre ces deux classes sociales, la cohabitation est rude...
Aux commandes de cette cuvée 2020 de Saved by the Bell, Tracey Wigfield, ex-scénariste de 30 Rock et showrunneuse de la sitcom Great News (produite par Tina Fey), une sitcom décalée, mais très marquée de l'empreinte et du ton de sa productrice, et notamment d'un certain second degré goguenard et mordant.
Guère surprenant de constater, donc, que Wigfield applique cette même formule à ce reboot/sequel de SBTB, un show qui se veut une approche contemporaine de la série des 80s/90s.
Dans les faits, cela se traduit par un programme qui a un peu le postérieur entre plusieurs chaises : contrairement à un La Fête à la Maison, 20 ans après, qui reprenait exactement le schéma et les codes de la série originale (pour le meilleur et pour le pire), ce SBTB 2020 tente d'être à la fois une série adolescente sincère et premier degré, un hommage à la série d'origine et une critique corrosive de celle-ci.
Le programme tente ainsi d'impliquer le spectateur dans les relations sentimentales, les états d'âme (notamment les daddy issues de Mac Morris), et le destin des personnages (lorsque tous les étudiants "défavorisés" apprennent qu'ils vont peut-être retourner dans leur vieux lycée rénové, et que les deux derniers épisodes de la saison reposent sur ce suspense assez plat), de multiplier les clins d'œil au SBTB 80s (l’antépénultième épisode de la saison est notamment centré sur les retrouvailles du quatuor d'origine, avec caméo en visioconférence de Lisa Turtle, et incrustation du proviseur actuel, joué par John Michael Higgins, dans des images des épisodes d'alors), et de souligner au marqueur fluo les défauts des années 90 et de Sauvés par le Gong.
Autrement dit, tel un programme typiquement de son époque, SBTB 2020 assume une posture woke, qui dénonce l'irréalisme social du Bayside privilégié des 90s et le caractère antipathique de Zach Morris (aujourd'hui devenu gouverneur de Californie, pourri et incompétent), qui présente tous les personnages de la série d'origine comme idiots, égocentriques et incapables, qui confronte la fantaisie de Bayside à la réalité des établissements d'éducation prioritaire bourrés de Latinos et d'Afro-américains défavorisés, et qui explique par l'humour que la réalité de 1989 n'est plus celle de 2020.
Soit. Le souci, c'est un peu que la série tente d'avoir le beurre et l'argent du beurre, en critiquant tous les éléments susmentionnés, en dénonçant le racisme systématique et en faisant preuve de wokeness... tout en se moquant un peu par la même occasion de tout ce côté "justice sociale" immature, avec une certaine distanciation ironique.
Mais à la limite, tout cela n'est pas bien méchant : oui, ce côté "ah ah, les années 90, c'était quand même grave, mais bon, aujourd'hui, les jeunes ne sont pas forcément mieux" semble parfois un peu forcé, comme une dimension métadiscursive que l'on aurait décidé d'amener au forceps... mais ça reste bien souvent de l'ordre du fanservice gentillet, comme par exemple tous les clins d'œil récurrents aux rapports tendus de Jessie Spano vis à vis de la caféine.
Plus gênant, le vrai manque de présence du jeune cast, et une interprétation assez inégale : Daisy et sa copine Aisha ne font pas grande impression, tout comme Jamie, le sportif teubé ; Mac Morris, le fils de Zack, n'existe que parce qu'il est un clone de son père (même si j'avoue qu'il tient bien le personnage, et que son moment "cabine téléphonique" était amusant) ; se démarquent néanmoins un peu Lexi (une sorte de Nicole Richie transgenre, interprétée par un ancien de la sitcom Disney Jessie, et qui avec Mac finit par former un duo très Sharpei/Ryan de High School Musical) et Devante (au flegme et au stoïcisme imperturbables), mais même là, ce n'est pas forcément très mémorable.
Cette réinvention très moderne de Sauvés par le Gong a reçu un accueil critique et public enthousiaste, bien aidé par des attentes préalables sérieusement revues à la baisse (tout le monde s'attendait à un Fuller House 2.0, et en fait, on est plus près d'un Lolita malgré moi... à l'époque déjà écrit par Tina Fey !)... mais en ce qui me concerne, je dois dire que je reste assez mitigé devant le produit fini.
Et ce bilan un peu brouillon reflète plutôt bien l'impression que j'ai du programme : un reboot qui brouille un peu trop les cartes, en tentant tout et son contraire : hommage (le show reprend ainsi les gimmicks de la série de l'époque : le personnage principal qui arrête le temps et s'adresse au public, par exemple, ou encore les magouilles de Morris), critique sociale (tout le propos sur les inégalités, la diversité, le racisme, la guerre des classes, etc), parodie de Sauvés par le Gong (les personnages de la série originale ont tous perdu 50 points de QI, et il est difficile de croire que cette reprise calamiteuse du générique de la série ne soit pas intentionnellement mauvaise) et du genre de la sitcom adolescente dans son ensemble (les figurants de Terminale, qui sont tous joués par des quadras/quinquagénaires clairement trop vieux pour leur rôle), série adolescente sincère façon Hartley Cœur à vif (tirée vers le bas par de jeunes acteurs inégaux), programme moderne qui parle à la génération Netflix... on peut se demander quel est le public réellement visé par cette cuvée 2020.
Les quadragénaires nostalgiques qui avaient l'âge des personnages à l'époque de la diffusion ? Les trentenaires qui ont découvert la série lors des rediffusions, et conservent une certaine distance goguenarde vis à vis du programme, distance alimentée par les memes et références récurrentes du web à certains épisodes ? Les vingtenaires qui sont collés à Netflix, et qui seront probablement les seuls à qui parlera vraiment la parodie d'Euphoria de l'un des épisodes ? Les adolescents ultra-woke et connectés d'aujourd'hui (comme le dit Slater à Jessie, "la génération d'aujourd'hui est une génération de Jessie Spano, et leur obsession pour la justice sociale va probablement sauver le monde"), qui ne connaissent probablement pas la série d'origine autrement que comme un programme ringard qui alimente certains sites à listes du web ?
La réponse est probablement "tous ces publics à la fois", et c'est bien là que ça coince pour moi. Jamais suffisamment sincère pour fonctionner au premier degré (toute la dernière ligne droite est ainsi vraiment sentimentale et pas loin d'un Hartley Cœurs à vif), trop rarement suffisamment drôle ou inspiré pour être une satire efficace, le tout a, comme je l'ai mentionné plus haut, le postérieur entre plusieurs chaises, et, sans être désagréable à regarder, il me laisse dubitatif... en attendant un prochain recadrage inévitable en saison 2, qui a apparemment prévu de traiter frontalement du problème du coronavirus (aïe).
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