Une comédie spatiale crée par Armando Iannucci, de Veep, et avec une distribution de qualité, le tout sur HBO : forcément, un chef d'œuvre instantané, et un show capable de faire la leçon à The Orville sur comment bien mêler comédie, science-fiction et propos social ? En théorie, peut-être... mais dans la pratique, on en est loin.
Avenue 5, saison 1 (2020) :
Lorsqu'un incident technique rallonge leur croisière spatiale de trois ans, les milliers de passagers de l'Avenue 5 paniquent. Face à eux, l'équipage - Ryan Clark (Hugh Laurie), le capitaine, Billie McEvoy (Lenora Crichlow), une ingénieure, Matt Spencer (Zach Woods), responsable des relations clientèle, ou encore Herman Judd (Josh Gad), le milliardaire capricieux possédant le navire, et son bras droit Iris Kimura (Suzy Nakamura), froide et calculatrice. Seul problème : le vaisseau est totalement automatisé, et l'immense majorité de son équipage, capitaine inclus, est composée d'acteurs. Des acteurs qui vont devoir désormais gérer une crise bien réelle...
Avec ses 9 épisodes de 25-30 minutes et le CV de ses créateurs et acteurs, Avenue 5 avait tout pour plaire. Le produit fini, cependant, est assez laborieux et plat, une impression que l'on ressent dès le pilote, et qui ne fait que se confirmer à mesure que la saison avance.
Jamais particulièrement drôle, jamais particulièrement rythmée, jamais particulièrement pertinente dans sa critique sociale ou politique, jamais particulièrement bien structurée, Avenue 5 semble constamment se chercher, n'osant aller frontalement ni dans un Lord of the Flies spatial, ni dans une sitcom futuriste, ni dans une satire noire et semi-dramatique.
Le résultat est un programme hésitant, aux ruptures de ton bancales, et qui souffre - en ce qui me concerne - d'un problème de taille : des personnages délibérément tous antipathiques, que ce soit au niveau des clients - le couple au bord du divorce (Jessica St. Clair et Kyle Bornheimer), tout droit sorti d'une mauvaise sitcom, en passant par un comédien de stand-up (Himesh Patel) qui n'apporte rien à la série, un ex-astronaute en rut (Ethan Phillips), une cliente envahissante (Rebecca Front) et son mari effacé (Andy Buckley), la spécialiste en effets spéciaux, etc, etc, etc - que de l'équipage - Matt le nihiliste et son humour très noir, Judd qui est écrit comme un mini-Trump gueulard...
Des personnages qui agacent, et qui, malheureusement, souffrent quasiment tous du syndrome de la Flanderisation précoce - un syndrome qui, généralement, ne touche les personnages d'une sitcom qu'au fil du temps, aux alentours de la troisième ou quatrième saison, et qui les réduit progressivement à leurs traits de caractère principaux, toujours plus grossis et mis en avant de manière caricaturale (par exemple, Joey dans Friends, qui perd 30 points de QI supplémentaires à chaque saison). Ici, tous les personnages sont déjà réduits à des traits de personnalités caricaturaux, exprimés de manière intempestive et hystérique, et ils sont tous plus bêtes que leurs pieds.
On ne peut donc pas s'attacher au moindre d'entre eux, pas même aux plus "normaux", à savoir Hugh Laurie (par ailleurs excellent), Suzy Nakamura et Lenora Crichlow.
Pourtant, çà et là, on trouve dans Avenue 5 des idées amusantes, ou des répliques qui font mouche. Mais le tout fait tellement du surplace, à l'image du navire, que finalement, on les oublie aussitôt. Les seuls moments où la série semble décoller un peu, c'est quand elle crée un peu de tension et de suspense : la fin de l'épisode 4, par exemple, voit le capitaine effectuer une sortie extravéhiculaire pour réparer quelque chose.
Un cliffhanger de fin d'épisode... malheureusement réglé en trois minutes dans l'épisode suivant, qui retombe dans quelque chose d'assez peu intéressant (notamment centré sur le comédien de stand-up). Idem pour l'épisode suivant, consacré à un bip récurrent qui rend tout le monde fou, et qui semble annoncer une pénurie d'oxygène : de quoi rajouter une dose de stress et des moments amusants... qui retombent rapidement en fin d'épisode, lorsque l'explication de ce bip tombe totalement à plat (notamment pour des raisons de logique : le bip est censé avertir l'équipage de la nécessité urgente de recalibrer les systèmes de survie du vaisseau pour prendre en compte une naissance à bord... mais quand, dans les épisodes précédents ou suivants, les corps des passagers passés de vie à trépas ont été expulsés dans le vide, personne n'a pris la peine de recalibrer le vaisseau un seul instant).
Et c'est ainsi tout au long de la saison, un enchaînement d'idées sous-exploitées et de mollesse globale, une mayonnaise qui ne prend pas vraiment (même si le tout s'améliore un peu à mesure que la saison progresse) et ne s'élève jamais au dessus d'une certaine médiocrité frustrante, surtout en regard des moyens et des talents impliqués.
Assez dommage, je dois dire, d'autant que le tout a du potentiel, dans cette illustration de la bêtise absolue du genre humain, mais les scénaristes semblent encore avancer à l'aveugle, incertains de ce qu'ils veulent faire de leur série. À voir si la suite saura redresser la barre de l'Avenue 5...
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