Série anthologique d'anticipation produite pour YouTube par Jordan Peele et Charlie Sanders (scénariste et acteur de Death Valley, et co-producteur de Key & Peele), Weird City se veut une réponse plus comique à Black Mirror, reprenant des thèmes et une approche très similaires, traités à la sauce américaine et bien plus décalée que la satire anglaise. Tout cela au fil de 6 épisodes de 25 minutes, chapeautés par Jose Molina, un showrunner spécialisé dans les séries de genre...
Weird City, saison 1 (2019) :
À Weird City, les riches et les pauvres vivent divisés par la Ligne, un mur séparant les beaux quartiers et le centre-ville, situés au-dessus de la Ligne, et les banlieues dangereuses, situées sous celle-ci. Et dans ce monde dominé par la technologie omniprésente, et par les inventions du Dr Negari (LeVar Burton), chacun essaie de trouver le bonheur...
Très rapidement, en regardant le premier épisode, on comprend à quoi s'attendre : une sorte d'hybride étrange entre Black Mirror et une série à sketches, un programme un peu bâtard, qui tente de construire (pour le meilleur et pour le pire) un univers partagé pour ses histoires décalées, à l'aide de personnages secondaires récurrents assez déjantés...
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# 1x01 - The One : Stu (Dylan O'Brien), né sous la Ligne, mais vivant au-dessus, décide de trouver l'âme soeur en s'inscrivant à un service de rencontres conçu par le Dr. Negari. Mais à sa grande surprise, voilà que son âme sœur est Burt (Ed O'Neill), un vieil homme avec lequel il a effectivement beaucoup en commun...
Un épisode d'ouverture assez plat, qui repose uniquement sur le décalage créé par la nature réelle du couple principal, passant par toutes les étapes habituelles d'une romance. Et c'est à peu près tout ce que raconte l'épisode, qui aurait très bien pu être résumé en un montage de 3 minutes lors d'un sketch de Key & Peele, avec le même résultat final. Inoffensif, mais aussi totalement oubliable.
# 1x02 - A Family : Loser bon à rien et asocial, Tawny (Michael Cera) finit par rejoindre un club de remise en forme, espérant y trouver là une famille de substitution. Là, Tawny gagne une masse musculaire énorme et rapide, à la grande surprise de Delt (Rosario Dawson), coach sportive du club, qui s'inquiète du caractère possessif de Tawny...
Une belle catastrophe mettant en scène un Michael Cera en roue libre, qui mange des vers stéroïdiens, porte un muscle suit en latex bien visible, et se veut inventeur en recyclage. L'épisode vanne le Crossfit, le "mieux-vivre écolo" californien, et est tellement surjoué par moments que ça en devient gênant. À oublier très vite, même si l'absurde total du tout pourrait bien séduire un esprit déviant ou deux.
# 1x03 - Go to College : Rayna (Auli’i Cravalho), issue des régions pauvres de Sous la ligne, arrive dans une université Au-dessus de la ligne, où elle fait la connaissance d'une colocataire envahissante, d'un séduisant étudiant, et où elle découvre les mœurs inhabituelles des gens de la haute société...
Une relecture très prévisible, gentiment surjouée, et pas très mémorable de Rosemary's Baby, version technologique, qui mélange un certain nombre d'idées et de gags sans vraiment leur laisser le temps fonctionner. À la limite, le grand final, façon farce caricaturale qui enchaîne les révélations, sauve presque le tout, mais dans l'ensemble, c'est vraiment quelconque.
# 1x04 - Smart House : Liquia (Laverne Cox) et Jathryn (Sara Gilbert) emménagent dans une super-smart house conçue par le Dr. Negari, à l'intelligence artificielle ultra-développée (Mark Hamill). Mais rapidement, la maison devient possessive et incontrôlable...
Alors là, encore un énorme bof, puisque c'est clairement une idée de sketch pas très originale, délayée jusqu'à perdre tout intérêt, et prévisible de bout. Comme dans les autres épisodes, ça ne tient pas la route sur la durée, il y a une poignée de gags/moments amusants, avec des acteurs qui se donnent à fond (Mark Hamill s'amuse beaucoup), et plein de moments WTF qui tombent totalement à plat (le combat de pseudo-arts martiaux foireux).
# 1x05 - Chonathan & Mulia & Barsley & Phephanie :
Un groupe (Gillian Jacobs, Hannah Simone, Malcolm Barrett, Steven Yeun) vivant au-dessus de la Ligne décide, dans une quête permanente de bonnes actions à effectuer, de partir sous la Ligne pour "sponsoriser" un enfant défavorisé... autrement dit, le kidnapper.
Comme d'habitude, de la satire du milieu hipster/écolo/vegan californien, forcée et surjouée au possible (Gillian Jacobs ici est affreusement fausse), étirée sur 25 minutes, et qui tire toutes ses cartouches bien avant de dépasser sa première moitié. C'est plat, ça traine la patte, le caméo de Charlie Sanders en flic est inutile, bref, sans intérêt.
# 1x06 - Below :
Charlotta (Awkwafina) et Glail (Yvette Nicole Brown) découvrent soudain qu'elles ne sont que des personnages dans une série sur le point de se conclure...
Un épisode de 17 minutes seulement (par manque de budget, à en croire la voix off de Charlie Sanders, en fin d'épisode), tourné dans un unique studio, et qui joue fortement la carte du méta : plus que jamais, le côté sketch rallongé se fait ressentir, notamment dans le format (avec coupures publicitaires liant l'épisode aux personnages secondaires des récits précédents), et ce n'est pas désagréable, même si la conclusion (qui accumule un paquet de références à des fins "à twist") tombe relativement à plat.
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Voilà, c'est terminé. Et pour être tout à fait franc, ce fut très laborieux.
En réalité, Weird City ressemble beaucoup à une succession d'idées de sketches refusées de Key & Peele, qui auraient été recyclées, et artificiellement délayées pour tenir à chaque fois 25 minutes sur un seul concept de base (pas toujours très inspiré, qui plus est).
D'ailleurs, c'est bien simple, comme je l'ai mentionné plus haut, chacun des épisodes de la série pourrait être résumé en un segment de 4 ou 5 minutes, voire en un montage de 3 minutes, sans rien y perdre - c'est probablement pour ça que le dernier épisode, le plus court, est celui qui fonctionne le mieux.
Mais malheureusement, à aucun moment l'impression d'assister à des sketchs surjoués et caricaturaux ne disparaît, ce qui plombe totalement la satire employée, déjà très (trop) centrée sur l'écosystème bobo-hipster-vegan-californien.
En résumé, c'est surjoué, c'est forcé, c'est mal rythmé, ce n'est pas particulièrement original ni intéressant, mais reconnaissons au moins à Peele et à Sanders d'avoir su créer un monde à part entière. Un monde étrange, un monde désagréable, un monde dérivatif, certes, mais au moins, le world building est présent.
(il faut simplement espérer que le reboot de la Quatrième Dimension par Jordan Peele n'aura absolument rien en commun avec cette anthologie ratée...)
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