Il y a un an environ, Amazon diffusait la première saison de Mme Maisel, une comédie rafraîchissante située dans le milieu du stand-up américain des années 50-60, et chapeautée par le couple Palladino, créateurs des Gilmore Girls et de Bunheads. Excellente surprise, homogène et inventive, cette première fournée de 8 épisodes avait reçu un accueil critique unanime, et d'innombrables récompenses aux Emmys : un succès mérité, même si les spectateurs familiers des productions des Palladino pouvaient percevoir, çà et là, quelques défauts récurrents de l'écriture des scénaristes...
La Fabuleuse Mme Maisel, saison 2 (2018) :
Midge Maisel (Rachel Brosnahan) tente toujours de concilier sa vie de famille, son poste au sein de B. Altman, et sa carrière naissante de comédienne de stand-up, alors même que ses parents (Tony Shalhoub, Marin Hinkle) connaissent une crise existentielle, que Joel (Michael Zegen) tente de se réinventer, et que la fabuleuse Mme Maisel rencontre Benjamin (Zachary Levi), un médecin séduisant qui bouleverse son quotidien...
Série de grande qualité formelle et conceptuelle, Maisel reste, dans cette seconde saison, toujours bourrée de qualités et de bons points, que ce soit au niveau de son écriture pétillante, de son humour impertinent, de sa direction artistique chatoyante, de ses costumes, de sa musique, de son interprétation impeccable, de sa réalisation inventive, etc, etc, etc.
Même avec 10 épisodes (soit 2 de plus qu'en saison 1), la saison se regarde sans le moindre temps mort, c'est fluide, dynamique, il se passe toujours quelque chose d'intéressant et de créatif, bref, Maisel reste, dans sa seconde année, une série très attachante et tout à fait recommandable... mais aussi vraiment frustrante.
Car, plus que jamais, La Fabuleuse Mme Maisel renvoie au Gilmore Girls d'antan, dans ce que ça a de bons côtés et de mauvais...
À plusieurs reprises, Maisel, saison 2, trahit en effet directement certains tics d'écriture des Palladino, et certaines tendances qui affaiblissaient déjà leur série précédente. À commencer par Midge, le personnage principal, qui évoque fréquemment ce que pouvait parfois être le personnage de Rory Gilmore, dans ses pires moments : une fille de bonne famille, privilégiée, qui a toujours vécu confortablement, dans sa bulle, et qui n'a aucune idée de la réalité économique du monde ; une femme capricieuse, inconstante, dilletante facilement découragée, et prompte à prendre des décisions mal-avisées ; une héroïne qui ne pense qu'à elle-même, et ne prend jamais vraiment en compte les conséquences de ses actions sur autrui... bref, c'est un miracle que le personnage reste aussi attachant, et cela est en grande partie du à l'interprétation et à l'énergie de son interprète.
D'autant que si Midge peut être rapprochée de Rory pour tous ces défauts, elle ressemble plus à Lorelei au niveau romance, constamment tiraillée entre son ex, le père de ses enfants, cherchant à se faire pardonner (Joel, l'équivalent du Christopher des Gilmore), et son nouveau compagnon, un peu lisse mais cultivé, et à la situation aisée (Benjamin, le Max Medina de Midge).
Régulièrement, donc, sur le front de la romance, on a l'impression de voir les Palladino rejouer une partition familière, qui se termine, en fin de saison, de la pire manière envisageable (ou du moins, de la manière la plus prévisible et frustrante possible, avec une Midge qui remet tout en question sur un coup de tête).
Outre cette écriture un peu agaçante (au terme de cette saison, je crois qu'il est notamment clair que Midge est une mère indigne, plus préoccupée par sa carrière ou sa vie amoureuse que par ses enfants, qui n'entrent même pas en considération lorsque vient le moment pour elle de décider de partir 6 mois en tournée), et cette sempiternelle fascination d'Amy Sherman-Palladino pour le quotidien et les excentricités des personnes fortunées (déjà un problème récurrent de Gilmore Girls, qui revient ici sur le devant de la scène, notamment lors des quelques épisodes se déroulant dans les Catskills - et ce quand bien même la vision du judaïsme de la série serait volontairement très caricaturale et outrée), on remarque aussi progressivement que les scénaristes semblent mal à l'aise avec le format imposé par le streaming Amazon.
La temporalité de la saison est ainsi totalement chaotique, donnant fréquemment l'impression au spectateur qu'il manque plusieurs épisodes pour bien expliquer l'évolution des relations (le divorce de Midge/Joel, jamais officiellement prononcé à l'écran), de la carrière de Midge (on ne ressent pas vraiment ses galères, ni le boycott imposé par Sophie Lennon), de ses sentiments vis à vis de Joel, de Benjamin ou de sa carrière, ou encore pour bien établir les conséquences de certains événements (le séjour à Paris des parents de Midge, totalement oublié par la suite, alors qu'il aurait été une réponse évidente à l'évolution de la situation d'Abe).
Et paradoxalement, malgré cette impression de manque et de précipitation, la saison semble aussi faire pas mal de remplissage, s'attardant trop longtemps sur certains événements (Paris, les Catskills), comme si les Palladino avaient ressenti le besoin de freiner des quatre fers, cette année, après une première saison compacte et concise, mais qu'ils n'arrivaient pas à trouver le juste milieu entre digressions amusantes et événements importants.
Et puis il reste Joel. L'année dernière, je redoutais un arc narratif de rédemption, et une réconciliation avec Midge, assez typiques de l'écriture des Palladino... et c'est exactement ce à quoi l'on a droit cette année : une grande entreprise de réhabilitation du personnage de Joel, pour tenter de rendre attachant ce personnage infidèle et peu sympathique.
Et ça fonctionne presque, puisque les Palladino font tout leur possible pour faire de Joel un personnage secondaire sincère et paumé, qui se reconstruit en reprenant la succession de son père, et qui est toujours là pour Midge... mais paradoxalement, la fin de saison vient tout saboter, en nous montrant un Joel grand séducteur, qui couche avec toutes les employées de sa boîte, est jaloux de la nouvelle relation de Midge, possessif, et n'hésite pas un seule instant lorsque l'occasion se présente de coucher à nouveau avec elle.
Autant dire que la saison se termine en laissant un goût doux-amer, le tout dernier épisode arrivant un peu de manière abrupte, et détruisant certains des progrès effectués par les personnages durant la saison. Pire : des indices assez évidents laissent penser à une saison 3, en tournée, avec une grossesse imprévue (et au père inconnu - Joel ? Benjamin ?) de Midge. De quoi rajouter encore une couche de mélodrame gentiment forcé et télégraphié, une marque de fabrique des Palladino...
Malgré tous ces bémols, je le répète, la saison 2 de Mme Maisel reste très sympathique, passant de Paris à un camp de vacances juif, puis revenant en ville, avant de repartir en tournée, et de culminer à la télévision : ça virevolte, c'est léger, c'est drôle, c'est pétillant, c'est parfois touchant, et la distribution est excellente (mention spéciale à Justine Lupe, très drôle en belle-sœur convertie, et à Tony Shalhoub).
Dommage que la structure parfois décousue, les errances de rythme, et certains choix narratifs et de caractérisation font que la saison convainc nettement moins qu'elle ne le devrait...
---
Retrouvez aussi toutes les autres séries passées en revue sur ce blog en cliquant ici et ici.
Commenter cet article