Sitcom ABC de la saison 2014 en 13x20 minutes, Selfie a été créée et chapeautée par Emily Krapnek (productrice sur Parks & Recreation, et showrunneuse de Suburgatory), et a été annulée au terme de 7 épisodes (les six épisodes restants ayant été diffusés sur Hulu). Au programme, une relecture de Pygmalion/My Fair Lady, à la sauce millennials et réseaux sociaux...

Selfie, saison 1 :
Jeune vendeuse en produits pharmaceutiques, Eliza Dooley (Karen Gillan) est une millennial typique, égocentrique, obsédée par son image sur les réseaux sociaux et sa vie numérique 2.0. Mais lorsqu'un incident provoque son humiliation publique, Eliza réalise qu'elle a besoin de changer d'image. Elle se tourne alors vers Henry (John Cho), l'un des responsables du marketing de son laboratoire, pour qu'il la réinvente. Mais c'est plus facile à dire qu'à faire, et malgré le gouffre qui les sépare, la jeune femme superficielle et le publicitaire coincé vont progressivement se rapprocher...
Une sitcom qui, très rapidement, abat ses cartes, et trahit ses points faibles. Dès le pilote, en effet, ces derniers sont évidents : le show est déjà très daté, notamment dans ses choix musicaux et ses références constantes aux réseaux sociaux et à des memes déjà périmés au moment du tournage, le propos est convenu au possible ("les réseaux sociaux et internet, ce n'est pas la vraie vie") et surtout, le tout manque cruellement de subtilité et de finesse.
Entre Karen Gillan, avec son personnage caricatural de bimbo agaçante mais complexée qui commente tout en voix off d'une voix marquée d'un vocal fry californien forcé (heureusement, cet accent se tasse un peu après le pilote), et qui, se donnant à fond dans la comédie physique, finit par faire ressembler Eliza à un grand échalas roux et dégingandé, plutôt qu'à son personnage supposé être sexy et irrésistible ; Henry, et son balais dans le fondement ; Julia (Allison Miller), qui ne fait que passer dans la vie d'Henry, et dont le personnage est surjoué au possible ; les voisines hipsters d'Eliza (dont une grande rousse dégingandée, bien trop semblable physiquement à Karen Gillan pour ne pas être une erreur de casting) ; Charmonique (Da'Vine Joy Randolph), la secrétaire black clichée ; tous les autres collègues du laboratoire pharmaceutique (notamment le patron, interprété par un David Harewood en roue libre)... autant de personnages aux traits épais et aux personnalités déjantées.
Ce qui n'est pas un problème en soi : après tout, on est dans une sitcom, et il est normal de forcer le trait çà et là. Mais le souci, c'est que la série semble étrangement précipitée et bâclée, trop intéressée par le développement du shipping entre Eliza et Henry (un shipping qui ne fonctionne que très moyennement, tant Eliza n'est pas un personnage attachant) pour vraiment prendre son temps : résultat, la série a à peine atteint la moitié de sa saison qu'elle donne déjà ouvertement dans la jalousie, le triangle (voire même le carré) amoureux, et ce tout en passant une bonne moitié d'épisode, à chaque fois, sur certains des personnages secondaires.
L'inconvénient de cette approche, c'est qu'en 20 minutes, on ne peut pas tout faire : tant la romance que le développement des personnages secondaires paraissent tour à tour précipités, prématurés et survolés : un bon exemple est ainsi le personnage de Julia, qui n'a probablement que 5-10 minutes de présence cumulée dans la saison, et est évacuée de manière peu élégante, sans avoir été développée correctement.
Assez frustrant, donc, et on peut se demander si les scénaristes savaient, dès le début, qu'ils ne dépasseraient pas les 13 épisodes, et ont donc tenté de caser toutes leurs idées avant d'être annulés.
D'autant que, çà et là, la série a un sens de l'absurde qui n'est pas désagréable, qu'elle a un message secondaire (apprendre à s'accepter tel que l'on est, et à prendre des risques, etc) pertinent, et qu'elle n'est pas désagréable à suivre... mais les défauts sont bien présents, et difficiles à ignorer.
Treize épisodes peu mémorables, donc, malgré une distribution sympathique : l'écriture ne parvient jamais totalement à concilier satire et sentiments, et le show finit par n'être qu'une autre de ces sitcoms romantiques quasi-interchangeables, qui étaient à ce point à la mode au début des années 2010.
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