Classique de la littérature australienne, Pique-nique à Hanging Rock est devenu une œuvre culte lorsqu'elle a été adaptée au cinéma par Peter Weir, en 1975. Narrant l'histoire "vraie" de la disparition inexpliquée de plusieurs jeunes filles et de leur enseignante, le jour de la Saint Valentin 1900, au fin fond du bush australien, le métrage, onirique, étrange, éthéré et mystérieux a profondément marqué les mémoires de par son étrangeté et son ambiance si particulière.
Et donc, forcément, en cette époque d'adaptations, de reboots et de remakes à tout va, la décision a été prise d'adapter à nouveau cet ouvrage, sous forme d'une mini-série de 6 épisodes d'une heure, diffusés sur Showcase en Australie, sur la BBC en Angleterre, Amazon aux USA, et Canal + chez nous...
Pique-Nique à Hanging Rock (Picnic at Hanging Rock - 2018) :
Le jour de la Saint Valentin 1900, à l'occasion d'un pique-nique au milieu de la forêt australienne, trois des jeunes pensionnaires (Madeline Madden, Lily Sullivan, Samara Weaving) de l'Appleyard College, une école privée pour filles, disparaissent sans laisser de traces, en compagnie de l'une de leurs enseignantes, Miss McGraw (Anna McGahan). Aussitôt, cette disparition provoque le chaos dans l'établissement, et révèle les nombreux secrets des habitants de la région, parmi lesquels la mystérieuse Hester Appleyard (Natalie Dormer), directrice de l'école...
Franchement, je ne sais pas par où commencer.
J'ai abordé cette adaptation télévisée du roman original avec une certaine curiosité positive : si j'adore le film de Peter Weir, je n'en attendais pas une copie, et j'espérais que la série allait parvenir à retrouver un sens similaire de l'étrange et de l'inexpliqué, tout en se forgeant une identité propre. Et c'est le cas : la série a sa propre identité, on ne peut le nier.
Quel dommage cependant que ce soit une identité ayant provoqué chez moi un rejet quasi-physique, tant quasiment rien ne fonctionne à mes yeux dans cette mini-série.
Et pourtant, il y avait là un certain potentiel : avec sa réalisation et son écriture confiées à des femmes, la série avait de quoi aborder ce récit sous un angle différent, en se concentrant sur la féminité de ses protagonistes, sur leur sexualité naissante, sur les pressions diverses et variées de la société et des hommes, etc. De quoi rajouter encore des couches supplémentaires au mystère Hanging Rock, et à ses motivations.
C'est ce que les scénaristes tentent de faire, d'ailleurs, en développant en long, en large et en travers, par le biais de flashbacks, d'une narration déstructurée, etc, la personnalité des enseignantes, des élèves, de leur entourage, de la directrice... on devine même, ici ou là, des idées pertinentes, qui auraient pu donner quelque chose d'intéressant.
Malheureusement, premier gros défaut de la série : l'écriture n'a aucune finesse. Tout est surligné, tout est appuyé, les relations des personnages sont forcées (avec une bonne dose de relations homosexuelles inassouvies, d'inceste/de mauvais traitements, de romances superflues), et tous les mystères autour de Natalie Dormer tombent à plat, inutiles, principalement là pour justifier la présence de l'actrice et lui donner quelque chose à faire.
Le problème, en fait, c'est que tous ces développements éclipsent totalement le mystère au cœur du récit : le pique-nique, et la disparition. D'ailleurs, pendant plusieurs épisodes, ces deux éléments passent à la trappe, tant la série est plus intéressée par les réactions de Sara, la petite orpheline punie par la directrice, par les hallucinations de Dormer, ou par la romance impossible de deux hommes de la région.
Plus intéressée par tous les personnages qu'elle a à traiter, donc, la série se trouve ainsi dépourvue, pendant les 2/3 de sa durée, du moindre mystère relatif au Hanging Rock, et il faut attendre le dernier épisode pour retrouver le pique-nique, et un peu d'inexplicable.
Si l'écriture était le seul problème de la série, cependant, ce ne serait pas forcément rédhibitoire. Malheureusement, il en va autrement, puisque c'est toute la réalisation et la direction artistique qui sont en roue libre, et rendent la série imbuvable.
Entre son esthétique et ses effets de style risibles, dignes d'une sous-Sofia Coppola ou d'un mauvais vidéo-clip (ralentis inutiles, zooms, caméra constamment penchée, angles étranges, flous, etc, etc, etc), son illustration musicale moderne abusant des rythmiques électro-pop, et des carillons pour signifier le mystère, ses costumes et ses visuels saturés et clinquants, on se retrouve avec quelque chose de mauvais goût, de maniéré et d'assez laid, et qui, pour ne rien arranger, rend son scénario déjà assez brouillon encore plus flou, grâce à un montage qui joue de manière assez décousue avec la narration et la chronologie du tout.
Et puis, bien entendu, l'interprétation. Si elle n'est pas mauvaise en soi, elle est au diapason de la direction artistique et de l'écriture : sans la moindre finesse. Les personnages secondaires sont des clichés ambulants (la grenouille de bénitier) souvent surjoués (notamment du côté des autres élèves), et si les personnages principaux sont un peu plus mesurés, ça ne suffit jamais à les rendre attachants ou particulièrement intéressants (tous les personnages masculins, notamment, ont l'épaisseur d'une feuille de papier à cigarette).
Ce qui s'avère problématique, puisque l'on nous demande de nous intéresser au sort de ces trois adolescentes disparues, qui s'avèrent finalement assez antipathiques et creuses.
En résumé, un vrai ratage, qui sacrifie tout le mystère et l'atmosphère du film de Weir sur l'autel d'un féminisme moderne mal maîtrisé, mal écrit, à la symbolique lourde, et visuellement assez laid et pataud.
La réalité rejoint ainsi la fiction : à l'instar de la formation rocheuse du récit, les six épisodes de ce Picnic at Hanging Rock 2018 donnent envie de dormir à ses spectateurs, tant ils se traînent, errent et se perdent en route, finissant par ne jamais refaire surface... un peu comme ses héroïnes ; mais je ne suis pas sûr que cela ait vraiment été l'intention de départ.
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