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Lexx - Saison 4 :
Dans la foulée du final de la troisième saison, l'équipage du Lexx se dirige vers la Terre pour que le vaisseau vivant puisse se sustenter : c'est l'origine des événements de la saison. En effet, toute la saison se déroule sur notre planète, et ce pour des raisons évidentes puisque le manque de budget est criant. Mais les scénaristes s'en accommodent et optent pour une satire quasi permanente de la société moderne, notamment celles des États-Unis qui en prend pour son grade. Le fait que le pays soit dirigé par l'abruti congénital qu'est Reginald G. Priest est suffisamment parlant, d'autant qu'il est manipulé par l'agence gouvernementale ATF (Alcohol, Tobacco and Fire Arms).
La Terre est au coeur de la Dark Zone, et le tableau est noir : oui, l'argent est le nerf de la guerre, et les trois commerces cités précédemment sont ceux qui en brassent le plus. Ce n'est pas pour rien que celui qui se trouve à la tête de l'ATF ne soit autre que Prince, dont l'essence vitale a migré après la destruction des planètes Fire et Water. La multiplication des agences américaines est aussi une source de moquerie dans cette saison, avec le détournement de la plus connue d'entre toutes : le FBI devient le Free Beef Industries...
Beaucoup d'éléments de la culture américaine sont passés au crible, du Texas à la télé-réalité (Xevivor est une parodie hilarante de Survivor) en passant par le monde du porno dans Fluff Daddy. Cet épisode est l'objet de multiples références à Star Trek, contre toute attente : le film X en tournage se nomme Deep Space 69 et le réalisateur dit à Stan - reconverti pour l'occasion en fluffer sans savoir de quoi il en retourne - qu'il faut aller "where no man has fluffed before". La liste est loin d'être exhaustive (Apocalypse Now est également revisité), ce qui permet d'affirmer que le ton de la saison 2 est de nouveau présent.
C'est avec bonheur que le téléspectateur retrouve cet esprit complètement déjanté, mais parfois il est tellement poussé à l'extrême qu'il faut faire un effort pour véritablement apprécier certains épisodes qui sont totalement absurdes. Dans toute autre série, ce serait tout simplement nul, mais il y a toujours une réserve à être aussi catégorique dans le cas de Lexx tant l'écriture est à des années-lumières de ce qu'on a l'habitude de voir. Mais de temps en temps, un épisode plus sérieux pointe le bout de son nez, et le changement de ton est plutôt bien géré.
La plus belle réussite reste The Game, dont le concept est absolument génial : Kai et Prince jouent une partie d'échecs - l'enjeu est primordial pour le Brunnen-G car son adversaire lui a promis de lui rendre la vie s'il l'emporte - avec des pièces représentées par les têtes des différents personnages de la série. Le déroulement de la partie est passionnant (si tant est qu'on ait un certain goût pour l'aspect tactique), mais elle est rendue encore plus intense avec les commentaires en direct des pièces-personnages sur l'échiquier, et son dénouement réserve un retournement de situation totalement improbable.
En réussissant à concilier le sérieux et le grand n'importe quoi généralisé, les scénaristes font preuve de maturité : ils ont appris de leurs erreurs - notamment celles de la saison 3 - et ont trouvé la manière de réunir les divers facettes de la série. On retrouve même l'ambiance particulière de la saison 1 le temps d'un épisode, dans Vlad. Kai y est confronté à un exécuteur divin, chargé du temps du règne de The Divine Shadow d'éliminer les... assassins divins. C'est une façon d'explorer le mythe des vampires, puisque ce personnage féminin se nomme Vlad et vit en Transylvanie. Ce n'est pas la seule incursion dans le monde fantastique, puisque le monde féérique est vu à travers le prisme de Lexx dans A Midsummer's Nightmare et le résultat est pour le moins original.
Toutes ces expérimentations peuvent facilement donner l'impression d'une saison qui n'a aucune direction précise (parfois, c'est tellement bordélique qu'on en est intimement convaincu), et pourtant il y a une réelle continuité, quasiment du début jusqu'à la fin. C'est encore une fois une conséquence directe de la saison 3 : cette dernière était tellement concentrée que les rebondissements de l'intrigue faisaient parfois office de remplissage. L'optique est ici différente : il y a plusieurs sous-intrigues, mais elles sont éparpillées.
Comme les enjeux et les ambitions ne sont pas aussi importants (ce ne sont pas des questions existentielles sur la nature du Bien et du Mal ou sur l'après-vie), elles sont plus diffuses mais elles donnent la possibilité d'alterner, de les recouper, de les utiliser comme ressort comique ou de les ressortir au moment opportun. À part les intrigues passagères (Vlad qui est l'ennemi numéro un de manière éphémère) ou les intrigues très secondaires (le Lexx qui doit absolument manger pour avoir enfin de quoi détruire la Terre), deux fils rouges se distinguent : les tentatives répétées de Prince pour prendre le contrôle du Lexx, et les sondes aliens en forme de carottes qui contrôlent leurs victimes en rentrant dans leur corps par l'anus (si si...).
Les deux sujets sont traités avec une grosse dose de second degré (c'était d'ailleurs clairement nécessaire pour le second). Les scénaristes s'amusent beaucoup avec la clé du Lexx, qui change de propriétaire régulièrement selon que ces derniers soient tués ou proches de l'extase sexuelle. Il est tout de même dommage que le concept ne soit pas totalement exploité car tout le monde la perd très vite alors que certains personnages seraient en position de faire bien plus de dégâts en possession de l'arme la plus puissante de l'univers.
En ce qui concerne les sondes carottes, leurs apparitions sont plus sporadiques, mais elles sont la clé de l'invasion d'une race de plante vivant sur un astéroïde qui progresse vers la Terre. Cela amène à une bataille finale contre l'équipage du Lexx, et la conclusion est tragique et définitive puisque Kai retrouve la vie pendant 5 minutes avant de la sacrifier entonnant une dernière fois le Yo Way Yo, accompagné par Stan et Xev. Comme pour symboliser le comble de l'ironie, cet acte héroïque ne sauve même pas la Terre, qui finit détruite comme Stan l'a toujours souhaité.
Il faut dire que ce n'est pas la planète la plus accueillante dont ils ont croisé le chemin, et il est assez drôle de voir Stan et Xev dégoûtés des perversions de ses habitants alors qu'ils sont bien gratinés eux-mêmes, entre le vieil obsédé et la nymphomane chronique. Mais autant les Terriens sont stupides, autant la fameuse représentation d'aliens technologiquement et intellectuellement supérieurs débarquant sur Terre est mise à mal : l'équipage du Lexx a bien la technologie, mais n'a pas de cerveau.
Stan, par exemple, répète constamment les mêmes erreurs, et déballe sans arrêt les petits secrets du Lexx (et surtout celui de la clé) pour impressionner ses interlocuteurs. Ce n'est pas de la naïveté mais un complexe de supériorité malvenu puisque ça lui retombe toujours dessus. Xev n'est pas tellement mieux, Kai reste fidèle à lui-même, et 790 est définitivement une pourriture puisqu'il passe son temps à comploter pour éliminer Stan et Xev du paysage. Parfois, on se demande vraiment ce qui les sépare de Reginald G. Priest et de Bunny, ou même de Prince. Difficile de faire des personnages plus humains, puisqu'ils en ont tous les vices.
Excepté 790 qui est insupportable et dont les scénaristes n'ont plus su quoi faire dès la saison 3 (sa violence verbale était encore drôle dans les deux premières, mais dès que son obsession s'est reportée sur Kai, le résultat a été catastrophique), ils ne sont pourtant pas antipathiques et leurs aventures se suivent agréablement quand ce n'est pas trop tiré par les cheveux. Il est tout de même dommage que certains éléments développés dans la saison 3 aient été oubliés : le procès de Stan aurait dû lui mettre du plomb dans la tête mais il n'en a rien été, et le conditionnement de Xev pour être une femme modèle était intéressant mais a été utilisé pour justifier sa nymphomanie. Du trop sérieux, la bascule s'est effectuée d'un coup vers le peut-être trop déjanté.
Lexx est finalement une série qui n'aura cessé d'expérimenter, et qui n'aura jamais proposé deux saisons identiques tant dans leur structure qu'au niveau des thèmes abordés. Il en résulte une série de science-fiction réellement atypique, à laquelle il faut savoir s'adapter pour l'apprécier car l'esprit qui y règne est très particulier. Ça peut être complètement décomplexé, gore, bourré de scènes suggestives, parfois génial, parfois à la limite du ridicule : le moins que l'on puisse dire, c'est que c'est créatif. Elle n'est bien entendu pas exempte de défauts, que ses qualités ne compensent pas toujours, mais elle est intéressante à regarder.
(voir aussi : bilan saison 1 ; saison 2 ; saison 3)
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