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LES TÉLÉPHAGES ANONYMES

Il était une fois Lurdo & Sygbab, deux internautes passionnés de séries tv et de cinéma, et qui cherchaient un endroit où archiver leurs avis (semi) éclairés...

Les bilans de Lurdo : Jessica Jones, saison 1 (2015)

Publié le 12 Mars 2017 par Lurdo in Critiques éclair, Review, Télévision, Les bilans de Lurdo, Netflix, Marvel, Thriller, Fantastique

Après Daredevil (passé en revue ici et ici), dont la première saison m'avait laissé particulièrement mitigé, je m'attaque à la suite de l'univers partagé Marvel/Netflix, à savoir, Jessica Jones.

Et pour être totalement franc, initialement, j'avais prévu d'adopter le même format une demi-saison = un bilan pour traiter de Jessica : malheureusement, j'ai très vite changé d'avis durant le visionnage de la série, qui m'a tellement frustré que j'ai décidé de limiter la casse. Un seul bilan, donc, cette fois-ci, pour une série qui a réussi l'exploit de me détourner de quasiment tout le reste de l'univers Marvel/Netflix.

Jessica Jones, saison 1 :

Après avoir subi l'impensable aux mains de Kilgrave (David Tennant), un criminel capable de manipuler l'esprit d'autrui, Jessica Jones (Krysten Ritter), apprentie super-héroïne réticente, décide de jeter l'éponge, et s'installe à New York, traumatisée, où elle officie en tant que détective privée. Mais bien vite, alors même qu'elle se rapproche de Luke Cage (Mike Colter), un barman doué de pouvoirs surhumains, comme elle, Kilgrave refait surface, entraînant Jessica Jones à sa poursuite...

Seconde série Marvel/Netflix, adaptée du comic-book ALIAS réservé à un public averti, et de tout ce qui en a découlé, Jessica Jones était peut-être la série pour laquelle j'étais le plus optimiste, en théorie. Pas forcément parce que j'ai de l'attachement pour les personnages concernés (pas particulièrement, du moins), mais plus parce que la combinaison de la showrunneuse Melissa Rosenberg (autrefois sur Dexter, avant que la série ne sombre), de David Tennant en grand méchant, et de Krysten Ritter (qui ne correspondait PAS DU TOUT à ma vision du personnage, mais que j'appréciais néanmoins dans Don't Trust the B---- in Apartment 23) laissait présager de quelque chose de plus original et intéressant que Daredevil ou Luke Cage. Malheureusement, après cette première saison, force est de constater que j'ai probablement préféré la première saison de Daredevil, avec tous ses défauts... et de loin.

L'un des problèmes principaux, en fait, c'est que Daredevil, malgré tous ses défauts, s'efforçait tout de même de faire dans la série super-héroïque. Ici, avec Jessica Jones, Melissa Rosenberg a choisi (assez naturellement, vu le personnage) de faire dans le pseudo-noir, avec détective torturée qui narre ses enquêtes en voix-off, ville terne et grise, musique avec cuivres et guitare lancinante, et tout et tout. Et non seulement elle fait du pseudo-noir, mais elle fait du pseudo-noir (genre habituellement très codifié d'un point de vue masculin) détourné pour être placé sous une optique féminine.

C'est l'un des points mis en avant par la production et par la chaîne ("la première série super-héroïque sérieuse écrite par une femme, et centrée sur des personnages féminins"), c'est ce qui a valu à la série des torrents et des torrents de louanges critiques, et de commentaires en tous genres de la part de tous les blogs et autres sites féministes applaudissant le caractère supposément révolutionnaire de la série, et tout et tout. Et en théorie, pourquoi pas.

Ou du moins, pourquoi pas, si ces intentions et ce point de vue n'entraient pas en perpétuel conflit avec les aspects super-héroïques et polar noir du show : ces derniers finissent par sembler n'être qu'un simple habillage moins intéressant pour les scénaristes que la psychologie de Jessica, et ses rapports avec les autres personnages (principalement féminins).

Ainsi, une constante, dans cette première saison, c'est que le côté super-héroïque de la série est minimisé au possible (Jessica Jones n'exploite que très rarement sa force et ses pouvoirs, très vagues et nettement affaiblis par rapport aux comics ; et donc, à l'écran, elle paraît souvent visuellement assez chétive et peu intéressante ; Luke Cage a déjà un peu plus d'impact); et quand il est mis en images, c'est tout simplement bâclé, comme si cela n'intéressait pas du tout la production : les effets, les combats, tout paraît fait à l'arrache, mal cadré, improvisé en quelques minutes devant les caméras, bref, médiocre au possible, surtout en comparaison du travail effectué sur Daredevil.

Un problème encore renforcé par l'absence totale d'athlétisme de Ritter, qui semble mal à l'aise et maladroite dès qu'elle a la moindre scène d'action, et par le fait que les pouvoirs de Jessica sont affreusement aléatoires et mal gérés par la production : dans un épisode, elle peut passer des gens sans broncher au travers d' un mur, alors que dans un autre, Ritter peine à actionner le verrou d'un sas blindé...

On se dit alors qu'à la limite, si le côté super-héroïque de la série est raté, peut-être que c'est compensé par des enquêtes captivantes, histoire de justifier le côté polar... mais là aussi, ça tombe à plat. Déjà, parce que le show est tellement centré sur Kilgrave qu'il ne prend vraiment jamais le temps de montrer le quotidien de détective de Jessica. On la voit sur le terrain, on l'entend débiter des monologues en voix off (Ritter n'est pas très convaincante dans ce domaine, d'ailleurs), on la voit faire vaguement une filature (assez ratée, car mal filmée et ponctuée de one-liners inutiles), on nous dit qu'elle est une bonne détective, mais le peu de travail d'enquêtrice qu'elle mène est systématiquement ramené à Kilgrave, et honnêtement peu captivant (puisqu'on se doute bien que Kilgrave ne va pas tomber avant le dernier épisode de la saison). 

Mais un autre problème qui affecte le côté polar noir, c'est la personnalité de Jessica Jones. Oui, elle est torturée, traumatisée, elle souffre de PTSD, et toute la série n'est qu'une grosse étude de personnages gérant chacun un traumatisme (viol, manipulation, mort de l'être aimé, etc) et/ou une addiction (drogue, amour, pouvoir, etc) d'une manière différente ... sauf que le résultat, c'est qu'on se retrouve avec un personnage principal non seulement assez cliché (l'enquêteur sarcastique et coriace au passé traumatique, c'est un peu un classique de la littérature de genre, qu'il soit de sexe masculin ou féminin), mais aussi rapidement épuisant d'antipathie, de répliques sardoniques, d'attitudes hostiles, etc. Par moments, plutôt que d'avoir à l'écran une femme traumatisée par la vie et par un criminel odieux, on a presque l'impression d'une adolescente capricieuse et émo, qui boude et n'en fait qu'à sa tête.

Le traumatisme de Jessica finit d'ailleurs par prendre tellement le dessus sur les autres aspects du show qu'il les rend accessoires... ce qui aurait pu passer si l'interprète de Jessica avait les épaules suffisantes pour rendre son personnage un minimum attachant. Or le jeu renfrogné et régulièrement faiblard de Krysten Ritter (le pétage de plomb de Ritter, durant l'épisode 4, est tout simplement risible de non-jeu) fait qu'à aucun moment, je ne me suis vraiment intéressé à son sort. D'autant que l'écriture ne lui fait pas de cadeaux (son caractère, mais aussi ses décisions souvent idiotes, comme par exemple son plan final pour vaincre Kilgrave), et que toute la série est plus ou moins vue par son prisme.

Ce qui, forcément, a des conséquences directes sur le reste du show : puisque tout est vu au travers du prisme de Jessica et de son traumatisme, tout le reste passe au second plan pour les scénaristes, qui semblent parfois plus préoccupés par la portée de leurs messages sociaux que par l'idée de faire une série bien équilibrée.

Par exemple, on retombe ainsi dans les travers de certains scénaristes qui, fiers d'avoir un personnage principal féminin fort et affirmé, semblent refuser de l'accompagner de personnages masculins du même calibre, par peur qu'ils ne lui volent la vedette. Dans Jessica Jones, tous les personnages masculins sont ainsi soit faibles (le drogué, le voisin, etc), soit des antagonistes criminels à punir ; j'inclus aussi dans cette liste Will Simpson, alias "reverse-Captain America" (jusque dans son look), le flic qui se rapproche de Trish, puisque après une ébauche de développement, non seulement toute son expérience militaire est instantanément rejetée par Jessica, mais en plus, il bascule du côté obscur vers la fin de la saison (avant de disparaître).

Les deux seuls personnages masculins qui sortent du lot sont ainsi Kilgrave (David Tennant est formidable, et la seule raison pour laquelle j'ai tenu jusqu'au bout) et Luke Cage (absent de la moitié de la saison), des personnages qui, lorsqu'ils sont réduits à leurs caractéristiques de base, semblent tout droit sortis d'une mauvaise série romantique ou d'un roman de chick-lit : Kilgrave, l'ex plus âgé, sophistiqué, européen, au physique élancé et mince, mais au caractère manipulateur, et toujours obsédé par l'héroïne ; Luke, le nouveau, brut de décoffrage, issu de la rue, grand, musclé, un afro-américain fort, mais aussi doux et sensible (il a perdu un être cher), et qui comprend ce que Jones traverse parce qu'il est "comme elle".

Deux archétypes assez flagrants, qui n'existent presque qu'au travers de leurs rapports avec Jessica, et qui ne font que renforcer les problèmes de caractérisation du show (Mike Colter est sympathique, mais j'ai passé toute la série à me demander s'il était volontairement tout en retenue et en intériorisation, ou si on lui avait simplement dit de non-jouer... j'ai vraiment du mal à le voir en protagoniste principal d'une série, tant il était souvent inexistant ici).

Et au rayon des clichés, les femmes ne sont guère mieux loties, entre Hogarth la lipstick lesbian aux dents longues sortie des années 80 (un homme, dans le comic-book), la stage-mom manipulatrice et menteuse de Patsy, la voisine psychotique à la limite de l'inceste, et une autre prisonnière butch lesbian sortie d'Orange is the New Black, on navigue en plein dans les clichés à gogo. S'en sort néanmoins Patsy "Trish" Walker (à ma grande surprise, puisque le personnage m'importe peu dans les comics, et que Rachael Taylor ne m'a jamais fait forte impression), au parcours intéressant, et dans une moindre mesure, Hope, la victime de Kilgrave, qui ne se sort cependant jamais de ce rôle.

L'on pourrait arguer que "tout ça, c'est voulu, c'est pour renverser les clichés et les rapports de force des récits noirs habituels, dans lesquels le héros dur à cuire est toujours entouré de personnages masculins clichés, et de femmes faibles et/ou n'existant que par leurs relations amoureuses/sexuelles avec le héros". Mais cet argument ne tient pas pour une simple et bonne raison : un récit noir classique n'est pas supposé tenir le spectateur en haleine pendant près de 13 heures. Jessica Jones, si, malheureusement, et ça exige un développement des personnages plus rigoureux.

En somme, entre les personnages peu engageants (les personnages secondaires sont unanimement oubliables, que l'on parle du drogué, du voisin, de Hogarth, etc, voire insupportables - la voisine déglinguée), les acteurs pas forcément ultra-charismatiques ou bien choisis (comme je le disais, Ritter est franchement peu adaptée à ce rôle : assez monotone, pas assez physique, elle n'incarne pas Jessica Jones de manière convaincante, et semble souvent se demander ce qu'elle fait là), la photographie terne, la réalisation basique (voire assez laide dans certains de ses effets, en début de saison), la musique un peu risible (dans l'épisode 6, ce solo de guitare électrique façon Hollywood Night, splendide ! ^^), et l'écriture qui privilégie la description très détaillée d'un stress post-traumatique à des choses élémentaires comme de la tension, du rythme, ou du dynamisme, forcément, difficile pour moi de m'intéresser à Jessica Jones

Même des choses élémentaires comme le couple Jessica/Luke, pourtant essentiel au comic-book, ne fonctionnent que très peu à l'écran. Pas aidés par une dramatisation inutile de leur relation (la mort de la femme de Luke), Colter et Ritter n'ont pas grande alchimie (lorsque les scénaristes se sentent obligés de faire dire à Trish "mon dieu, c'est évident que vous avez une alchimie du tonnerre", alors qu'il n'y avait pas la moindre étincelle entre les deux acteurs dans la scène d'avant, c'est qu'il y a un vrai problème)... et leurs scènes de sexe sont, pour être totalement franc, à mourir de rire tant elles sont caricaturales et forcées dans leur auto-censure.

En résumé, hormis Tennant, qui cabotine totalement et parvient à faire de son Kilgrave un personnage à part entière, tour à tour sincère et psychopathe, menaçant et attachant, dans l'ensemble, Jessica Jones ne m'a pas convaincu. 

Pire, au fil de la saison, et à mesure que les scénaristes usaient et abusaient de grosses ficelles évidentes pour retarder au maximum la confrontation finale Kilgrave/Jones, j'ai commencé à perdre patience. En 8 épisodes, la série serait probablement mieux passée ; en 10 épisodes, ça aurait encore pu être regardable ; mais en 13 épisodes, avec une héroïne antipathique et amorphe, un script très très moyen, et des effets ratés, ça ne fonctionne pas.

À partir de l'épisode 10, notamment, alors que Kilgrave s'échappe une nouvelle fois grâce à l'intervention (à peine forcée) de Hogarth, que la voisine prend de plus en plus d'importance (jusqu'à assommer Jessica en un coup avec une poutre *facepalm*), que les coïncidences bien pratiques se multiplient, que les dialogues sont de plus en plus laborieux (...), tout commence à se déliter, à perdre cruellement le peu d'intérêt que la série avait encore... jusqu'à cette conclusion plate, à base d'écouteurs dans les oreilles (*soupir*) et de face à face quelconque sur un quai.

Et même l'insertion au tractopelle de Claire Temple (la Nick Fury du Marvel/Netflixverse !) n'aide pas à redonner de l'intérêt au tout, tant le personnage arrive comme un cheveu sur la soupe et fait de la figuration.

Bref.

Je ne vais pas me répéter : Jessica Jones, c'est (au mieux) médiocre au possible, nettement en dessous de Daredevil (je n'aurais jamais cru dire ça ^^), et ça a réussi à me couper l'envie de voir une éventuelle saison 2 (Ritter est hors-sujet), de voir Luke Cage (déjà que les critiques étaient assez mitigées, mais en plus Colter ne m'a pas du tout convaincu ; à la limite, j'aurais préféré une mini-série sur Hellcat), et probablement même de tenter Iron Fist (un peu le même problème de casting que pour Jessica Jones : un acteur principal qui semble hors-sujet).

Je finirai bien par m'intéresser à Daredevil saison 2 (pour le Punisher), ainsi qu'à The Defenders, la grosse série crossover, mais pour l'instant, Marvel/Netflix, c'en est fini pour moi. Merci, Jessica Jones !

(et je l'ai déjà dit, mais dans la catégorie "utilisation du genre super-héroïque pour raconter l'histoire d'une jeune femme peinant à se remettre d'un viol, et confrontée frontalement à son agresseur", Sweet/Vicious, de MTV, est nettement plus réussi, plus dynamique, et moins soporifique)

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