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LES TÉLÉPHAGES ANONYMES

Il était une fois Lurdo & Sygbab, deux internautes passionnés de séries tv et de cinéma, et qui cherchaient un endroit où archiver leurs avis (semi) éclairés...

Les bilans de Lurdo - Les Désastreuses Aventures des Orphelins Baudelaire, saison 1 (2017)

Publié le 5 Février 2017 par Lurdo in Critiques éclair, Télévision, Les bilans de Lurdo, Netflix, Review, Jeunesse, Drame

Les Désastreuses Aventures des Orphelins Baudelaire (Lemony Snicket's A Series of Unfortunate Events) :

À la mort mystérieuse de leurs parents dans un incendie criminel, l'inventive Violet Baudelaire (Malina Weissman), l'intelligent Klaus (Louis Hynes), son frère, et leur petite soeur Sunny (Presley Smith) aux dents indestructibles, sont confiés par Mr Poe (K. Todd Freeman), exécuteur testamentaire, à la bonne garde du Comte Olaf (Neil Patrick Harris), supposément un parent éloigné. Mais rapidement, il apparaît qu'Olaf est un criminel de la pire espèce, prêt à tout pour faire main basse sur la fortune Baudelaire...

Les Désastreuses Aventures des Orphelins Baudelaire, sorti en salles de cinéma en 2004, était un film plutôt réussi et sous-estimé, qui n'a pas connu un énorme succès en salles, malgré un Oscar pour ses maquillages, et plusieurs autres nominations.

Pourtant, il avait beaucoup pour plaire : un réalisateur à la vision affirmée (Brad Silberling, réalisateur de Casper), un ton original et corrosif (tout droit tiré des romans), une direction artistique somptueuse (signée Rich Heinrichs et Coleen Atwood, habitués de Tim Burton), un Jim Carrey mémorable en Comte Olaf (un acteur personnellement courtisé par Daniel Handler, l'auteur des romans), et dans l'ensemble, une distribution très réussie.

Apparemment, cependant, à en croire les innombrables avis qui ont pullulé en ligne à l'occasion de l'annonce et de la diffusion de cette série Netflix, le film de 2004 était médiocre et inintéressant, une adaptation ratée, bordélique, avec un Jim Carrey trop cabotin et comique pour son rôle, et de manière générale, la version 2004 méritait son échec au box-office

Il est toujours "amusant" de voir les avis "des masses populaires du web" évoluer ainsi en fonction des modes et des générations (la franchise Star Trek souffre des mêmes maux), d'autant que le film avait, à l'époque, été plutôt bien reçu ; il est donc difficile de ne pas y voir un mouvement de foule un peu hypocrite, motivé par le fait que cette fois-ci, la série Baudelaire est un projet plus "prestigieux", étant dirigé/showrunné par Barry Sonnenfeld (La Famille Addams), co-écrit par Daniel Handler, co-produit par Neil Patrick Harris (qui joue aussi Olaf et chante le générique), et diffusé sur Netflix (qui malgré tous les défauts de ses productions, semble toujours bénéficier d'un totem d'immunité inexplicable).

Un duo Sonnenfeld/Handler qui était déjà à l'origine du film de 2004, avant un départ suite à des problèmes de budget, et qui, dans l'esprit des fans, allait pouvoir se venger de cet affront en produisant une série nettement plus fidèle aux romans que le film (qui condensait les trois premiers livres en 110 minutes, contre 8 épisodes ici, couvrant les quatre premiers livres). Du moins, ça, c'était en théorie. Parce qu'en pratique... 

Saison 1 :

En pratique, cette version télévisée de Baudelaire ressemble (du moins, pour ses 6 premiers épisodes) à un portage télévisé du film, portage assez réussi au niveau de la production, mais finalement assez inutile.

La direction artistique est très similaire (avec en prime une petite touche colorée de Pushing Daisies, la série de Bryan Fuller produite par Sonnenfeld), le ton est globalement identique, l'adaptation des romans aussi fidèle, et, peut-être plus gênant, plutôt que d'incarner un Comte Olaf plus sombre et menaçant (comme l'espérait le web), Neil Patrick Harris cabotine tout autant que Jim Carrey, tout en donnant constamment l'impression de faire un cosplay du Comte Olaf de Carrey.

(assez moyen, le cosplay, d'ailleurs, puisque la perruque de NPH déséquilibre sa silhouette en lui faisant une grosse tête disproportionnée, alors que le Olaf de Carrey avait une silhouette toute en longueur et menaçante)

C'est vraiment un problème récurrent de la série : l'impression d'assister à une sorte d'adaptation télévisée du film, une sorte de remake/suite, aux rôles principaux recastés au plus près, et sans réelle plus-value.

Alors certes, il y a bien des sous-intrigues secondaires centrées sur la société secrète VFD, et sur Will Arnett/Cobie Smulders (que l'on tente un temps de nous faire passer pour le Père/la Mère Baudelaire, une feinte qui ne fonctionne pas vraiment, même si c'est assez amusant que Cobie soit créditée en tant que "Mother") ; il y a bien un Lemony Snicket nettement plus présent que dans le film, et intégré de manière originale au récit et à l'écran ; et il y a bien quelques digressions rajoutées spécialement pour étoffer la série et les épisodes.

Mais tout cela participe à un autre problème récurrent de cette série : son rythme défaillant. Malgré ses huit épisodes à peine, Baudelaire est en effet atteinte du syndrome Netflix : tout est trop long, les romans (assez courts) sont délayés en deux parties pouvant aller de 38 à 65 minutes, la narration de Snicket finit par être saoulante et redondante (tout comme les gags à base de définition de tel ou tel mot, ou de répétition par les personnages de ce que vient de dire le narrateur, gags qui deviennent systématiques et répétitifs de par la manière dont ils sont intégrés au script), bref, ça manque cruellement de dynamisme et de rythme (à contrario de Pushing Daisies, qui avait la touche de folie et l'énergie de Fuller pour faire fonctionner son univers décalé).

Et comme les six premiers épisodes ne sont qu'une redite du film, difficile de ne pas commencer à s'ennuyer au bout d'un moment.

D'autant que le ton très particulier de l'ensemble est assez fluctuant et inabouti : on sent que la série tente de trouver un juste équilibre entre pseudo-macabre mélancolique et satire décalée, entre humour littéraire et narratif et pastiche des récits victoriens, entre détails subtils et gags répétés ad nauseum... mais l'équilibre n'est pas vraiment là, et le show oscille constamment entre les deux extrêmes, sans jamais trouver comment parvenir à les fusionner de manière satisfaisante (ce qui ramène au problème de rythme récurrent de la série). Mention spéciale aux vannes ponctuelles faisant référence à Uber ou au mode de streaming de la série, vannes qui seront clairement dépassées dans 5 ans, incompréhensibles dans 10 ans, et qui jurent particulièrement avec l'univers intemporel du show.

Au niveau de la distribution, pas grand chose à dire : les acteurs sont bien choisis, même si tout le monde a tendance à se mettre au diapason de Neil Patrick Harris, pour cabotiner allègrement, quitte à faire passer tous ces adultes pour des bouffons (ce qui est un peu le but, quelque part). Tout le monde... sauf les orphelins Baudelaire.

Malheureusement, le trio est tellement terne et en retrait qu'il se fait totalement éclipser par tout ce qui l'entoure, que ce soit la direction artistique ou le jeu des autres personnages (notamment l'entourage d'Olaf, ici plus développé) ; un peu regrettable, d'autant que l'interprète de Klaus est un peu transparent (le personnage n'est pas des plus faciles à mettre en valeur, cela dit), et que Sunny est (pour être gentil) assez ratée : contrairement à la Sunny du film, la fillette est ici beaucoup plus jeune, et par conséquent, nettement moins réactive.

Les 3/4 du temps, lorsqu'elle n'est pas remplacée par un poupon inanimé dans les bras de Violet, ou intégrée numériquement dans les plans pour espérer avoir une réaction utilisable, la fillette reste totalement indifférente à ce qui l'entoure, et son babillage numérique ne fonctionne pas vraiment à l'écran.

En résumé, Baudelaire ne bénéficie pas du tout du binge watching popularisé par Netflix : longs et bavards, les épisodes souffrent aussi du caractère répétitif des romans, qui est d'autant plus souligné par ce format Netflix. Et les faiblesses de rythme se répercutent directement sur l'écriture, à tous les niveaux : humour inégal d'un scénariste à l'autre, déséquilibre entre premier et second degré, personnages principaux éclipsés par toute la folie qui les entoure, menace trop diluée pour être efficace, etc...

En fait, en regardant la série, plus encore qu'en lisant les ouvrages, on a par moments presque l'impression d'un auteur (et ici, d'une équipe composée de Daniel Handler et de trois scénaristes débutants) ayant trouvé un gimmick d'humour littéraire, et l'appliquant systématiquement à chaque épisode et à chaque scène, ce qui en atténue à chaque utilisation l'impact et l'efficacité : vers la fin de la saison, je commençais vraiment à en avoir assez de ces répétitions et explications incessantes, de ces effets de style mécaniques et de ces dialogues à rallonge, alors même que le script faisait par ailleurs du surplace.

Et malgré l'accueil unanimement positif des critiques, qui se sont empressés de proclamer la supériorité indubitable de la série sur le film... je ne peux m'empêcher de penser que si les deux oeuvres partagent 90% de leur ADN, les 10% restant sont à l'avantage du long-métrage : Olaf y reste plus menaçant (Carrey est naturellement plus inquiétant que NPH, désolé), péripéties plus rythmées, musique plus mémorable (quoique le générique d'ouverture du show est assez mémorable, un peu comme l'était la chanson du petit Elfe dans le film), effets spéciaux forcément plus convaincants (la maison qui se casse en deux, au secours), rendu forcément moins factice et artificiel... et surtout, script écrit par un véritable scénariste (le scénariste de Galaxy Quest !!!). 

Et je ne peux que me demander quel est le public visé par cette saison 1 : les enfants s'ennuieront probablement, les fans du film risquent de trouver le tout redondant, les binge watchers de trouver le show répétitif et mou, le grand public risque de rester à la porte d'un mélange inégal de tons et de genres... ne reste alors que les fans hardcore des livres, qui forment, sans surprise, l'essentiel des critiques dithyrambiques de ce show. 

Personnellement, me trouvant au croisement de plusieurs de ces catégories, je dois dire que le visionnage de la première saison des Orphelins Baudelaire a été bien moins enthousiasmant que ce à quoi je m'attendais : j'ai lu les livres, j'apprécie le film, j'aime l'univers, mais je suis resté assez déçu par l'adaptation de Sonnenfeld, qui tombe plus souvent à plat qu'elle ne fonctionne. Cela dit, ce n'est pas mauvais, en soi, c'est très bien produit, et je me demande comment j'aurais réagi si j'avais découvert cet univers plus jeune, sans avoir lu les premiers romans ni vu le film (à en juger par les réactions très dubitatives dans mon entourage, le charme n'opère pas forcément sur ce type de public). 

D'ailleurs, il est assez parlant de voir que les deux derniers épisodes de la saison permettent enfin à Baudelaire de s'écarter un peu de l'ombre du métrage, pour aborder de l'inédit. Bon, là aussi, c'est toujours très mal rythmé, trop bavard, et pas toujours très pertinent (la chanson de fin totalement WTF, qui transforme subitement le show en comédie musicale), mais cela permet de sortir un peu des sentiers battus (l'arrivée de Catherine O'Hara en ex du Comte Olaf y fait pour beaucoup dans ce regain d'intérêt, en changeant un peu la dynamique de la série et de ses personnages), et je reste tout de même curieux de voir ce que la saison 2 pourra donner, libérée de cet héritage filmique encombrant, et ayant de nouveaux protagonistes avec lesquels jouer. 

En espérant que la production apprenne de ses erreurs... mais vu que les critiques américains ne trouvent que des qualités à ce Baudelaire, j'en doute.

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