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LES TÉLÉPHAGES ANONYMES

Il était une fois Lurdo & Sygbab, deux internautes passionnés de séries tv et de cinéma, et qui cherchaient un endroit où archiver leurs avis (semi) éclairés...

Halloween Oktorrorfest 2016 - 97 - The Rocky Horror Picture Show : Let's Do The Time Warp Again (2016)

Publié le 25 Octobre 2016 par Lurdo in Critiques éclair, Cinéma, Oktorrorfest, Review, Télévision, Fox, Halloween, Comédie, Musique

Halloween approche à grands pas, et comme tous les ans, c'est l'heure de l'Oktorrorfest sur le blog des Téléphages Anonymes, avec au programme un marathon de cinéma fantastique et d'horreur pendant un peu moins de deux mois, de mi-Septembre à début Novembre...

The Rocky Horror Picture Show  - Let's Do The Time Warp Again :

Aaaah, le RHPS, ce film culte de 1975, adaptation cinématographique de cette comédie musicale underground et corrosive, hommage à tout un pan du cinéma de genre, dans laquelle un couple de jeunes WASPs bien pensants typiques des années 50 se voient corrompus et dévergondés par des extraterrestres pan-sexuels menés par le Dr Frank-n-Furter, un travesti à la fois séduisant, dangereux, dévorant et complexe.

Un show - qu'il soit scénique ou cinématographique - tellement provocant, culte, transgressif et avant-gardiste, que chacune de ses représentations donne désormais lieu à un véritable spectacle participatif sur scène, à l'écran et dans la salle... une comédie musicale irrémédiablement marquée par son esthétique proto-punk androgyne, kitsch et déjantée, conséquence d'un budget limité, par l'interprétation et le charisme de Tim Curry, et par certaines images indélébiles, comme cette paire de lèvres rouges qui ouvrent le métrage.

Autant dire qu'en annonçant un remake télévisé, la chaîne Fox tendait largement le bâton pour se faire battre, surtout qu'elle s'était déjà plantée en adaptant aseptisant le RHPS dans un épisode de Glee.

Et plus les informations arrivaient sur ce remake télévisé, plus  l'on pouvait craindre le pire : si à la limite, choisir Victoria Justice et Ryan McCartan (deux acteurs connus pour leurs carrières Disney et Nickelodeon) pour interpréter les niais Brad et Janet était assez logique (voire même approprié et pertinent), le choix de Laverne Cox (actrice transexuelle n'ayant jamais fait ses preuves dans le milieu de la comédie musicale) pour interpréter le personnage de Frank-n-Furter (un mâle travesti) laissait dubitatif, et semblait indiquer que les exécutifs de la Fox ne savaient pas trop où ils mettaient les pieds, ou voulaient simplement faire le buzz.

Et puis ensuite, on a découvert que le téléfilm serait réalisé par Kenny Ortega, réalisateur des High School Musical, chefs-d'oeuvre de subversion et de décadence s'il en est (oui, c'est de l'ironie). Et enfin, histoire de conclure en beauté, on nous a expliqué que le film jouerait la carte du méta-discursif : plutôt que d'enregistrer le show en live sur une scène, comme les autres succès d'audience US récents en matière de comédie musicale télévisée (et comme il aurait été pertinent de le faire pour une comédie musicale reposant à ce point sur l'interaction avec le public), ce RHPS16 allait être filmé de manière traditionnelle, avant d'être encadré par des segments montrant le film "diffusé" dans une salle fictive emplie d'un public fictif (aux déguisements improbables), qui interagirait ainsi avec le métrage pendant sa diffusion (spoiler : ça n'apporte rien, et ça sort systématiquement du métrage à chaque fois que le réalisateur décide de montrer ces réactions).

Sur papier, le tout était donc très casse-gueule. Et dans les faits, toutes les craintes (ou presque) que l'on pouvait avoir se sont réalisées. Oui, le RHPS sur la Fox est surproduit, surbudgeté, tout est poli, propre, artificiel : des décors, aux costumes, à l'interprétation, en passant par toutes les réorchestrations musicales, tout sonne forcé et lissé. À l'image des numéros musicaux, tellement surchorégraphiés qu'ils en perdent paradoxalement tout rythme et toute énergie : le Time Warp est anémique, l'entrée de Frank-N-Furter n'a pas le moindre impact, Touch Me perd toute transgression et sexualité, ou encore, I'm Going Home, chanson touchante dans la version originale, est ici plombée par tout un appareillage scénique et par une Laverne Cox beaucoup trop radieuse et triomphante, façon Diva à la Whitney ou Mariah Carey.

D'ailleurs, attardons-nous sur l'interprétation : tout le monde surjoue un peu (problème de direction), mais dans l'ensemble, ça chante à peu près juste, et Justice et McCartan s'en sortent plutôt bien ; Annaleigh Ashford, dans le rôle de Columbia, est tout à fait dans le ton, tout comme Staz Nair, en Rocky (qui troque son slip moulant lamé or pour un caleçon nettement moins apte à choquer la ménagère) ; en Frank-N-Furter, Laverne est très inégale, juste et convaincante dans ses dialogues et réactions (malgré son accent bancal), un peu moins dans ses chansons, chorégraphies, et tout simplement dans sa présence : en effet, en faisant de Frank-N-Furter une femme à la poitrine pigeonnante et aux tenues spectaculaires (à la Beyonce ou Lady Gaga), le métrage perd complètement le malaise et le trouble créés par un Tim Curry carnassier en bas résilles. Ce qui m'amène à Adam Lambert, le chanteur actuel de Queen, un talent vocal ultra-flamboyant et ouvertement gay, qui aurait été parfait en Frank-N-Furter, mais se contente ici d'une brève apparition en Eddie (le personnage initialement interprété par Meat Loaf).

Enfin, mention spéciale à Riff-Raff (Reeve Carney) et Magenta (Christina Milian) : si le premier fonctionne moyennement tant il essaie d'imiter Richard O'Brien, la seconde est tout simplement calamiteuse, avec un accent ridicule, et un timing déplorable.

Apparaît aussi, en tant que narrateur, ce pauvre Tim Curry, qui se remet de son attaque cérébrale, et qui a tout de même bien souffert...

Avec une telle distribution, et une telle surproduction, à la limite, un bon réalisateur aurait pu sauver les meubles, et pondre quelque chose de rythmé. Hélas, ce n'est pas le cas : la réalisation d'Ortega est basique, simpliste, le montage (avec plans de coupes sur figurants, danseurs, choristes, orchestres, spectateurs dans la salle, etc) casse le rythme des chansons, et le film se traîne mollement jusqu'à la ligne d'arrivée, pas aidé par une aseptisation certaine du propos (moins de sexe, moins de violence, moins de cannibalisme, etc).

Au final, alors que l'original était "sale", osé, décadent et débordait d'énergie, ce remake Fox est (comme on pouvait s'y attendre) trop propre et appliqué pour faire illusion, ne serait-ce qu'un seul instant, et ce malgré les efforts de (quasiment) toute la distribution. On se demande donc qui était le public visé : les fans ne pouvaient que détester un tel projet faiblard et bancal, et les spectateurs lambda sont probablement passés à côté d'une partie du film, tant il repose sur une connaissance du métrage/spectacle original pour comprendre les blagues, les références, les rebondissements, le faux public, etc. 

2/6

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