
Trente ans après une catastrophe apocalyptique, Eli (Denzel Washington) arpente désespérément les étendues dévastées des USA, avec dans son sac un livre mythique, capable de changer la destinée de l'espèce humaine. Face à lui, Carnegie (Gary Oldman), bien décidé à mettre la main sur ce livre, afin d'asseoir son emprise et son influence sur la populace opprimée... mais Eli possède des talents surhumains, et bénéficie d'une protection d'un autre monde.
Attention, spoilers :
Un film post-apocalyptique des frères Hughes, à l'esthétique et aux visuels très travaillés, mais qui malheureusement finit par s'avérer inégal et assez frustrant.
La faute, principalement, à un script qui, après une première partie particulièrement réussie (Denzel est charismatique, l'univers est crédible, les affrontements très convaincants - même si l'accélération ponctuelle des mouvements de Denzel est assez laide - et le postulat fascinant), abat toutes ses cartes assez rapidement, et semble construire un faux mystère autour de l'identité d'Eli, et de la nature de son livre.
Car abordons le sujet frontalement : quiconque ayant un minimum de culture religieuse aura probablement tiqué sur le titre à double-sens du film, et par conséquent, aura certainement vu venir bien à l'avance les vingt dernières minutes du film. Oui, "le livre" est la Bible. Oui, "Eli" est un prophète, qui propage la bonne parole de Dieu et est protégé par ce dernier (même si le film tente parfois de jouer la carte de l'ambiguité, dans les faits, cela ne fait aucun doute). Et oui, comme son homologue biblique, Eli est aveugle. Ce qui rend tous ses faits d'armes, durant le cours du métrage, proprement miraculeux, tel un Zatoichi afro-américain protégé par le Seigneur.
Et quand bien même le spectateur n'aurait pas compris ce titre à double-sens, la mise en scène, le scénario et l'interprétation de Denzel sont clairement (mais subtilement et intelligemment, il faut bien l'avouer) des indicateurs très nets de la cécité d'Eli. Le personnage tâtonne, se repère au bruit, à l'odeur, au toucher, et constamment, la réalisation s'efforce d'aborder les scènes de ce point de vue, sans toutefois le rendre trop évident. Néanmoins, entre ça et les références évidentes soulevées plus haut, difficile de ne pas voir venir la révélation finale, vers laquelle tend tout le dernier tiers du film.
Une révélation qui appuie donc un certain propos d'apparence prosélyte, même si là encore, le film désamorce le tout en montrant bien le Coran et le Talmud, entre autres, à côté de la Bible, à la toute fin.
Reste qu'une fois ce pseudo-mystère éventé par le spectateur perspicace, le film peine un peu à se montrer vraiment captivant. Dès qu'entrent en scène Gary Oldman (qui cabotine comme pas deux en grand maychant caricatural), et Mila Kunis (totalement inutile, dans l'absolu, car uniquement là pour permettre à Eli d'avoir quelqu'un à qui parler, à qui raconter son parcours, et surtout quelqu'un à sauver - d'ailleurs, l'attitude badass de Kunis dans l'ultime scène est tout sauf crédible, et plombe un final pourtant réussi), le film commence à perdre de sa force et à se déliter (le passage chez le couple cannibale est une rupture comique totalement aberrante, même si elle débouche sur une fusillade à la réalisation remarquable), d'autant qu'il souffre d'une durée un peu excessive.
Reste qu'au final, malgré ces défauts, le métrage est intéressant, techniquement très réussi, et que son approche de la religion en tant que force motrice
positive et négative est judicieuse, à défaut d'être particulièrement bien servie par certains choix créatifs. Pas mal, mais aurait pu mieux faire.3.75/6
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